Deux ans après la fusillade la plus sanglante de l'histoire des États-Unis, l'université de Virginia Tech, où 32 étudiants et professeurs ont trouvé la mort le 16 avril 2007, panse encore ses plaies et vient seulement de rouvrir les salles de cours où a eu lieu la tuerie.

«Réoccuper complètement le bâtiment Norris Hall marquera une étape importante dans notre voie vers le rétablissement», a expliqué vendredi un professeur d'ingénierie mécanique, Ishwar Puri, alors que cinq de ses collègues et 25 étudiants ont péri dans ce bâtiment sous les tirs d'un étudiant déséquilibré. Après avoir abattu deux étudiants dans un dortoir au petit matin, Cho Seung-Hui, un Sud-Coréen de 23 ans, a bloqué avec des chaînes les portes du bâtiment Norris Hall et fait un carnage avant de se donner la mort. Il a tiré 174 balles en neuf minutes.

«Mes collègues et moi-même entrerons dans ce bâtiment l'humilité au coeur mais l'esprit déterminé. Nous nous souviendrons de ceux qui sont tombés, ont sacrifié leur vie pour en sauver d'autres», a ajouté M. Puri.

Une marche du souvenir et une veillée aux bougies sont prévues jeudi sur le campus situé à Blacksburg (Virginie, est) où l'émotion est toujours à vif, alors qu'en moins d'un mois ont sévi des tireurs fous dans les États de New York (14 tués), Californie (6 tués), Caroline du Nord (7 tués).

Le 20 avril marquera en outre le 10e anniversaire de la fusillade du lycée Columbine dans le Colorado (13 tués), tragédie emblématique des «school-shootings» aux États-Unis, qui continue d'inspirer d'autres massacres comme celui du lycée berlinois où 15 personnes ont été tuées par un adolescent le 14 mars.

Pénible concours de circonstances pour Virginia Tech: la tenue à la fin du mois à proximité du procès d'un imitateur de Cho Seung-Hui.

Johnmarlo Napa, un étudiant du Nevada (ouest), a été arrêté il y a presque un an et doit être en traduit en justice le 28 avril à Roanoke (Virginie) pour avoir envoyé des courriels vengeurs à des étudiants de Virginia Tech dont il avait trouvé le nom dans des journaux.

Admirateur de Cho, le crâne rasé comme lui, collectionnant (en toute légalité) les mêmes armes, l'émule du tueur empruntait dans ses emails des citations du manifeste vidéo délirant envoyé par Cho à la chaîne NBC le matin même de son massacre.

«Il ne voulait pas être menaçant», a affirmé à l'AFP son avocate Fay Spence.

«Tout événement comme celui-ci qui rouvre nos blessures et nos douloureux souvenirs engendre beaucoup de tristesse», a admis le porte-parole de l'université Mark Owczarski. «Mais cela nous invite à rester unis et à apporter du soutien à ceux qui en ont encore besoin».

Depuis la tragédie, le nombre d'étudiants de Virginia Tech cherchant un soutien psychologique a fait un bond, passant de 8 000 en 2005/2006 à 11.000 en 2007/2008 sur un campus d'environ 29 000 étudiants.

Dans un livre intitulé «No right to remain silent» («Pas le droit de garder le silence»), une ancienne enseignante de Cho, Lucinda Roy, ne cesse de ruminer sa culpabilité.

Professeur de littérature, elle fut la seule à solliciter en vain en 2005 une aide psychologique pour cet étudiant solitaire et muet, qui dans ses rédactions accusait ses confrères de génocide et de cannibalisme.

«Ces étudiants-tireurs ne se cachent pas. Ils sont à découvert», assure-t-elle.

Malgré le drame, l'université presque centenaire, connue pour ses cursus scientifiques et son équipe de football, a continué d'attirer les inscriptions, en hausse de 6% l'année dernière et de 2% cette année, pour atteindre un record.