La Russie a beau appeler à la fin de l'unilatéralisme américain des années Bush, elle se demande si l'élection du candidat démocrate à la présidence, Barack Obama, avec son ton plus conciliant mais moins prévisible que le discours républicain, profiterait à Moscou.

Le Républicain John McCain n'a pas fait mystère de ses positions, usant d'une rhétorique très critique vis-à-vis de Moscou durant la guerre du mois d'août en Géorgie. «Sous Obama, les relations russo-américaines se développeront de manière moins prévisible, plus intéressante, mais les risques (pour la Russie) seront plus grands que si les Républicains restaient au pouvoir», juge ainsi Andreï Kortounov, président de la fondation Nouvelle Eurasie à Moscou.

Car l'analyste estime que sur le front diplomatique, la Russie avait la tâche «facile sous Bush, l'administration républicaine ayant commis tant d'erreurs ces dernières années».

«Ce sera plus dur avec Obama», qui semble plus favorable à un monde multipolaire prôné par la Russie, «même si sur le fond il n'y aura aucun changement radical par rapport à la politique étrangère des Républicains».

En Ukraine comme en Géorgie, deux républiques en ex-URSS qui souhaitent rejoindre l'OTAN avec le soutien de Washington suscitant l'ire de Moscou, les experts considèrent que le candidat démocrate ne serait pas une mauvaise chose, même si on y juge favorablement l'expérience de McCain.

«La différence (entre Obama et McCain) n'est pas dans la stratégie, mais dans les tactiques, dans le ton. Obama est plus enclin au dialogue, et sera préféré par la Russie», note Valery Tchaly, directeur de la section politique étrangère du Centre Razoumkov de Kiev.

«Et tout ce qui développe les relations russo-occidentales est bon pour l'Ukraine», estime-t-il, mais «McCain est plus au fait des dossiers et connaît les dirigeants ukrainiens», alors qu'il faudra attendre la nomination d'une administration Obama «pour vraiment connaître sa politique étrangère».

L'espoir d'une continuité de la position américaine dure vis-à-vis de Moscou est plus marquée en Géorgie, alors que la Russie a reconnu l'indépendance de deux régions séparatistes géorgiennes, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie.

«Nous voulons que les États-Unis n'abandonnent rien de leur position sur la Géorgie», martèle Tornike Charachenidze, un expert géorgien des questions internationales pour qui «Obama sera probablement meilleur pour la Russie, car il semble plus conciliant avec la Russie, moins dur que McCain».

Mais comme ses homologues russe et ukrainien, M. Charachenidze pense qu'Obama a plus de chances de briser le statu quo et la crise de confiance qui règne actuellement sur les relations russo-américaines.

«Bush a ruiné l'image des États-Unis, Obama, de ce point de vue là, sera meilleur (...) et la Géorgie a besoin d'une Amérique forte», conclut-il.

Tous les experts s'accordent aussi pour dire que McCain n'est pas sans soutien en Russie, en particulier parmi les partisans d'une logique de confrontation avec Washington et qui se satisferaient dès lors d'un homme à la rhétorique forte contre Moscou.

«En Russie, mais aussi aux États-Unis, dans le complexe militaro-industriel notamment, McCain est préféré car il est moins tourné vers le dialogue, il est plus prévisible», note ainsi Valery Tchaly.

«Obama est un défi pour les hommes politiques russes», renchérit Andreï Kourtov, «pour les faucons McCain est préférable, car il confirme leur idée  des États-Unis: l'Amérique ne change pas, l'Amérique sera toujours anti-russe et derrière chaque position américaine il y a une conspiration anti-russe».