Devant la mairie de Svitlodarsk, une ville de l'est de l'Ukraine bombardée par les rebelles prorusses, une trentaine d'habitants se pressent devant un bus. «Est-ce qu'il reste encore une place?», lance une mère qui veut sauver son fils de 14 ans.

«Tous ceux qui veulent partir partiront!», lui répond un soldat ukrainien, chargé d'escorter les bus sur la route.

Tout en tentant de contenir la foule impatiente, un employé municipal lit à haute voix une liste de noms. Ceux qui sont appelés peuvent prendre place dans le bus. Les autres, eux, resteront sur la touche.

«Ils nous ont promis qu'on pourrait partir, mais maintenant ils disent qu'il n'y a plus de place», raconte, en pleurs, Olena Lifikova.

Cette brune de 42 ans avait fui les combats de l'été à Debaltseve, un important noeud ferroviaire situé à une dizaine de kilomètres, avec Ioulia, sa fille de trois ans qui est diabétique.

«Elle a besoin d'insuline. Je veux partir. N'importe où, je veux juste partir!», poursuit-elle.

Sous contrôle des forces du gouvernement ukrainien, cette petite ville qui comptait 13 000 habitants avant le début du conflit est depuis quatre jours la cible d'intenses bombardements. Car Svitlodarsk, où est installée une centrale électrique alimentant une partie de la région de Donetsk, se trouve dans une zone quasiment encerclée par les rebelles prorusses.

Une seule route permet désormais de quitter cette «poche» et de rejoindre Artemivsk, la grande ville du secteur toujours sous contrôle ukrainien.

«On doit mourir ici?»

«On a bombardé ma maison. Ça bombarde partout et ils refusent de nous prendre (dans les bus). Mon mari travaille comme moi à la centrale, mais moi et mes enfants, on n'est pas sur la liste», raconte, dans la cohue, une autre mère de deux enfants.

«On doit mourir ici ou quoi?», ajoute-t-elle, en colère, avant de repartir avec ses valises et ses enfants sans avoir pu prendre place à bord du bus.

Car l'évacuation est organisée par la centrale électrique et bénéficie en priorité aux familles de ceux y travaillent, en direction de la région de Kharkiv, frontalière de la zone des combats.

«Depuis samedi, des lance-roquettes multiples Grad tirent sur la ville. Il y a des destructions. Une personne a été tuée et deux blessées», raconte le maire de Svitlodarsk, Anatoli Brekhounets.

«C'est pourquoi nous avons décidé de fermer les écoles et les jardins d'enfants. En accord avec la direction de la centrale, où quasiment toute la population travaille, nous avons décidé d'évacuer les enfants», ajoute-t-il.

Si les enfants en bas âge sont évacués avec un parent, les adolescents voyagent seuls. «Tous ceux qui le souhaitent seront évacués. On commence à peine», martèle le maire, qui semble débordé.

«La ville est située près du front. De nombreux habitants ont fui Debaltseve depuis cet été pour venir ici. Et maintenant, nos habitants et ces réfugiés de Debaltseve veulent fuir Svitlodarsk», explique-t-il.

Selon lui, 10 à 15% des habitants ont déjà été évacués, surtout des femmes et des enfants. Mais certains souhaitent rester.

À l'hôpital de la ville, les patients ont tous été évacués après des bombardements qui ont tué une infirmière.

Une de ses collègues, Svetlana Ponomarenko, laisse éclater sa colère.

«On est encore tous là. On n'a nulle part où aller. On veut travailler, on veut vivre, on veut la paix», crie-t-elle.

«J'allais tous les jours au travail ici. Et maintenant, qu'est-ce que je vais faire? Pourquoi doit-on souffrir?», ajoute-t-elle, appelant de ses voeux des négociations de paix.