Après avoir provoqué la colère du Brésil, qui accuse le Canada d'avoir espionné un ministère névralgique, le gouvernement canadien a l'obligation de rétablir le lien de confiance avec la population et d'assurer une plus grande transparence de l'organisme chargé de surveiller les communications électroniques à l'étranger, estime l'ex-directeur adjoint du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

«Dans quel contexte le Centre de la sécurité des télécommunications [CSTC] doit-il faire son travail? A-t-on besoin d'un meilleur cadre? Les ressources doivent-elles être dépensées de cette façon? Au Canada, on devrait avoir ce débat», a expliqué en entrevue Ray Boisvert, ex-numéro deux du SCRS, aujourd'hui président de la société de gestion des risques i-secis.

Selon M. Boisvert, le CSTC a produit des succès notables. Or, au fil des ans, son rôle a été redéfini: à la notion de sécurité nationale du Canada s'est greffé le volet de la sécurité économique, ce qui peut produire des «glissements potentiels».

«Le CSTC a sauvé la vie de soldats canadiens en Afghanistan, aucun doute là-dessus, dit-il. C'est un organisme important, et on pourrait débattre de son rôle, dans une commission à laquelle siégeraient des députés. Quand ils sont mis au courant des activités, il y a un respect qui se forme avec les élus, et ça peut donner de très bons résultats.»

Travail «nécessaire et vital»

En entrevue avec La Presse, le député libéral Marc Garneau, porte-parole en matière d'affaires étrangères, a lui aussi défendu le travail «nécessaire et vital» du CSTC. Mais il est d'avis qu'une transparence accrue permettrait aux Canadiens de mieux comprendre le rôle du centre, dont les activités sont largement tenues secrètes.

«Actuellement, il y a une personne nommée pour évaluer les activités du CSTC. Au Parti libéral, on compte déposer un projet de loi privé cet automne pour un plus grand encadrement de l'organisation. On veut être sûr qu'il reste à l'intérieur de son mandat.»

Harper préoccupé

Parallèlement, le premier ministre Stephen Harper s'est dit «très préoccupé" par les accusations d'espionnage lancées lundi par la présidente du Brésil.

Interrogé hier au sommet de l'Asie-Pacifique, M. Harper a dit que son équipe allait se mettre en contact avec les Brésiliens afin de «donner suite» au dossier. Le premier ministre a aussi rappelé qu'un commissaire était chargé de recenser les activités du CSTC et de voir à ce que l'organisation respecte les lois canadiennes.

Dans une présentation du CSTC qui a filtré dans la presse brésilienne, les agents canadiens disent avoir mis sur pied le projet "Olympia", qui a ciblé le ministère des Mines et de l'Énergie du Brésil. Le service de renseignement canadien aurait obtenu de l'information de localisation sur les communications cellulaires de plusieurs officiels.

La présidente brésilienne Dilma Rousseff a qualifié la situation «d'inadmissible». Le ministère des Affaires étrangères brésilien a convoqué l'ambassadeur du Canada, Amal Khokhar, pour lui demander des explications et lui faire part de l'indignation du gouvernement.

La pointe de l'iceberg

Lundi, le journaliste du Guardian Glenn Greenwald a dit à la CBC que les allégations sur l'espionnage du gouvernement canadien au Brésil n'étaient que la pointe de l'iceberg.

«Il y a beaucoup de documents qui montrent comment le gouvernement canadien espionne des citoyens ordinaires, des gouvernements alliés, a-t-il dit. Il y a aussi une coopération avec le gouvernement américain que bien des citoyens canadiens vont trouver étonnante, voire choquante, car tout cela est fait en secret.»

Glenn Greenwald affirme qu'il possède les documents et travaille à leur analyse en vue de produire de nouveaux reportages.