Coupés du reste du monde depuis deux jours, les Haïtiens ont enfin entendu des avions et des hélicoptères voler dans le ciel, hier. Mais il faudra encore du temps avant que l'aide internationale soit déployée sur le terrain.

Pendant ce temps, des survivants coincés sous les décombres crient pour être secourus. «Je n'arrive pas à comprendre ce qu'ils font et où ils vont, a dit Jean-Baptiste Lafontin Wilfried en regardant les avions américains qui volaient au-dessus de sa tête. On entend à la radio que des équipes de sauvetage arrivent de l'extérieur, mais rien ne vient. Nous n'avons que nos doigts pour aller chercher les survivants», a-t-il raconté à l'Agence France-Presse.

Les sinistrés de Port-au-Prince sont laissés à eux-mêmes. Il y a eu du pillage et des coups de feu, hier. «Les tirs sont constants et on a l'impression que ce sont des familles qui tentent de se protéger d'assaillants venus voler ce qui leur reste de nourriture», a dit Valmir Fachini, porte-parole de l'ONG brésilienne Viva Rio.

Le photojournaliste Frederic Dupoux a également vu «des gens qui se battent pour de l'eau et des médicaments», a-t-il écrit sur Twitter. Sous ses yeux, des hommes ont déterré un bébé de 3 mois qui était toujours vivant.

De plus en plus de cadavres s'empilent dans les rues de Port-au-Prince. À travers les ruines, il y a des scènes d'horreur. On peut voir des corps figés, ici un couple mort pendant sa sieste, là des femmes presque dévêtues. Des corps carbonisés gisent dans des carcasses de voitures.

Luke Renner, qui travaille à Cap-Haïtien pour l'ONG américaine Fireside International, est arrivé avant-hier à Port-au-Prince, où La Presse l'a joint chez un ami. «Mon Dieu, c'est une zone de guerre, a-t-il dit. On arrive ici et on a l'impression d'être en enfer.» Les corps qui jonchent le sol commencent à se décomposer. «Il y a une odeur... Les gens doivent se couvrir la bouche.»

Des sinistrés portent des corps jusqu'aux collines surplombant la ville pour les enterrer dans des cimetières de fortune.

Selon la Croix-Rouge haïtienne, le séisme pourrait avoir fait entre 45 000 et 50 000 morts ainsi que 3 millions de blessés ou de sans-abri. «Personne ne sait avec précision, personne n'est en état de confirmer un quelconque chiffre», a toutefois déclaré l'un des responsables, Victor Jackson. Hier, le premier ministre Jean-Max Bellerive avait plutôt avancé un bilan de 100 000 morts.Mobilisation internationale

La communauté internationale s'est rapidement mobilisée hier. Les États-Unis ont débloqué 100 millions de dollars et envoyé de nombreux renforts militaires. «On ne va pas vous laisser seuls, on ne vous oubliera pas», a promis le président Barack Obama au peuple haïtien.

L'aéroport de Port-au-Prince a ouvert partiellement sa piste et accueilli notamment des avions de France, de Chine, du Canada et de l'Espagne. Des porte-avions et des navires américains approchaient aussi les côtes haïtiennes.

Des contrôleurs aériens venus des États-Unis ont pris le relais afin de coordonner l'arrivée de l'aide humanitaire dans un aéroport saturé (voir texte plus bas).

Le temps presse. Des endroits publics comme le Champ-de-Mars, célèbre avenue de Port-au-Prince, sont devenus de gigantesques camps de réfugiés. «Certaines personnes risquent de mourir de froid, de déshydratation ou de blessures qui auraient pu être facilement soignées», a déclaré l'ancien président américain Bill Clinton, envoyé spécial de l'ONU en Haïti.

L'ONG britannique Save the Children s'inquiète du fait que beaucoup d'enfants passent les nuits dans les rues au milieu des cadavres. «Les enfants sont en état de choc et en danger. Beaucoup d'entre eux sont devenus orphelins ou ont eux-mêmes été blessés. Ils ont besoin d'être rapidement soignés, a souligné Gareth Owen, gestionnaire des situations d'urgence. Des milliers d'autres n'ont plus aucune nouvelle de leur famille et de leurs amis. Ils ne peuvent désormais compter que sur eux-mêmes pour survivre.»

Un «défi logistique majeur»

Dans l'état actuel des routes, des hôpitaux et des communications, les organisations humanitaires et les militaires ont du mal à venir en aide aux sinistrés.

«On va avoir affaire à un défi logistique majeur», a reconnu la porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires, Elizabeth Byrs. La priorité pour le moment est de sauver des vies, de sortir des survivants des décombres, de soigner les blessés. C'est l'urgence, c'est la priorité; chaque heure qui passe amenuise l'espoir», a-t-elle souligné en point de presse à Genève.

Le port, situé dans l'une des parties les plus touchées de Port-au-Prince, «n'est pas opérationnel puisque ses trois grues ont été détruites», a-t-elle ajouté. Le quai est également gravement endommagé.

«C'est le chaos», a résumé Elizabeth Byrs.

Avec La Presse Canadienne, l'Agence France-Presse et l'Associated Press