Le séisme de mardi à Haïti a fait de 45 000 à 50 000 morts, selon une estimation annoncée jeudi à Genève par la Croix-Rouge. Deux jours après la catastrophe, la communauté internationale se mobilisait jeudi pour venir en aide à la population démunie de Port-au-Prince, où les habitants font avec les moyens du bord pour soigner les blessés et retrouver d'éventuels survivants dans les décombres.

Selon Jean-Luc Martinage, porte-parole de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge, l'estimation de 45 000 à 50 000 morts effectuée par la Croix-Rouge haïtienne repose sur des informations recueillies par de nombreux volontaires de l'organisation humanitaire dans la capitale Port-au-Prince, ainsi que des données fournies par le gouvernement haïtien. Il ne s'agit que d'estimations et le bilan définitif de la catastrophe reste à établir, a-t-il souligné.

La Croix-Rouge évalue par ailleurs à trois millions, soit un tiers de la population haïtienne, le nombre de personnes ayant besoin d'une aide d'urgence.

Plus de 370 millions de dollars ont pour le moment été débloqués, mais l'acheminement et la distribution de l'aide rencontrent d'énormes problèmes logistiques. Évoquant «l'une des plus importantes opérations d'aide de notre histoire récente», le président américain Barack Obama a annoncé depuis Washington une aide initiale de 100 millions de dollars et promis aux Haïtiens qu'ils ne seraient «pas abandonnés».

À ces fonds, il faut notamment ajouter 200 millions de dollars supplémentaires répartis également entre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), et les dons faits individuellement par les pays. Soit environ 370 millions de dollars.

Des avions en provenance de Chine, de France, des États-Unis et d'Espagne ont atterri jeudi à l'aéroport de Port-au-Prince, transportant des équipes de sauveteurs ainsi que des tonnes de nourriture, d'eau, de médicaments et de matériel.

Le président français Nicolas Sarkozy a annoncé que «près de 400 personnels de la Sécurité civile» seraient en Haïti «sous 48 heures», et que deux navires de la Marine allaient faire route vers le pays. Le chef de l'État a par ailleurs ajouté qu'il se rendrait en Haïti «dans les semaines qui viennent» et a proposé la tenue d'une grande conférence internationale consacrée à la reconstruction du pays.

À Washington, Barack Obama a détaillé le dispositif militaire mis en place par les États-Unis: 900 soldats sont attendus d'ici vendredi, auxquels s'ajouteront 2200 Marines chargés de sécuriser les zones, d'aider aux recherches et au secours, et de distribuer l'aide humanitaire. Au moins six navires sont par ailleurs attendus, dont le porte-avion nucléaire Carl Vinson, qui devait arriver jeudi, et le navire hôpital USNS Comfort, avec à son bord des centaines de médecins, d'infirmières et de techniciens, 12 salles d'opérations et 1000 lits.

Mais, sur place, les ONG et autres organisations internationales sont confrontées à d'importantes difficultés logistiques pour faire entrer l'aide dans le pays et la distribuer à la population en détresse. «C'est le chaos», résume Elisabeth Byrs, porte-parole du Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU (OCHA). C'est un cauchemar logistique.»

Les livraisons par bateau sont en effet impossibles pour le moment en raison de la fermeture du port de Port-au-Prince, endommagé par le séisme de mardi. L'aéroport de la ville est ouvert, mais engorgé par l'afflux d'avions d'assistance. Il n'y a plus de place pour les accueillir au sol, ni assez de carburant pour permettre leur retour, a expliqué un responsable américain. À la demande du gouvernement haïtien, l'Administration fédérale de l'aviation civile (FAA) a suspendu dans l'immédiat les vols entre les États-Unis et Port-au-Prince, a-t-il ajouté.

Craignant des répliques, les Haïtiens ont fui les bâtiments écroulés et s'amassent sur les routes, ralentissant ainsi le transport terrestre des vivres et de l'aide.

À Port-au-Prince, les habitants tentent de s'organiser dans un spectacle de désolation, sans moyen ni coordination internationale. Ils creusent, souvent à mains nues, les décombres des immeubles effondrés pour tenter de retrouver d'éventuels survivants, tandis que les cadavres s'entassent sur le bord de rues saturées de voitures, de piétons et de camionnettes remplies de policiers et de personnel des Nations unies.

Certains portent leurs morts jusqu'aux collines surplombant la ville pour les enterrer dans des cimetières de fortune. Face à cette situation, l'armée brésilienne a demandé aux autorités locales de creuser un cimetière digne de ce nom, pour éviter l'apparition d'épidémies, alors que la température dépasse les 30 degrés Celsius.

Au moins huit hôpitaux de Port-au-Prince ont été endommagés par la secousse. Les blessés sont pris en charge tant bien que mal par les équipes de Médecins sans frontières (MSF) dans deux établissements ayant résisté, ou par des médecins cubains, présents avant la catastrophe, dans des hôpitaux de campagne.

Dans le chaos ambiant, environ 3000 policiers internationaux et Casques bleus de la Mission de l'ONU en Haïti (MINUSTAH) déblaient les décombres et tentent de diriger la circulation et d'assurer la sécurité dans la ville, alors même qu'au moins 36 employés de l'ONU (19 de la MINUSTAH, 4 de la police internationale et 13 civils), selon un dernier bilan, ont trouvé la mort dans la secousse. Environ 160 employés onusiens haïtiens et étrangers sont portés disparus, ainsi que 18 policiers et dix militaires.

Une centaine d'employés onusiens sont toujours pris au piège dans les décombres du siège effondré de la MINUSTAH, mais sept ont été retirés vivants jeudi, et un huitième d'un bâtiment voisin, selon le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et le porte-parole de la MINUSTAH, David Wimhurst.