Les électeurs hispaniques devaient être l'arme secrète d'Hillary Clinton pour remporter la présidentielle Américaine. Mais si un nombre record est bien allé voter, ces suffrages, loin d'être monolithiques, n'ont pas été suffisants pour barrer à Donald Trump la route de la Maison-Blanche.

« Hillary Clinton, ce n'est pas Barack Obama », souligne Mark Hugo Lopez, chercheur au Pew Research Center, la démocrate n'ayant pas réussi à autant enthousiasmer cet électorat que le président sortant.

Quelque 65 % des électeurs hispaniques ont choisi Hillary Clinton, contre 72 % pour M. Obama en 2012.

Surtout, près de trois sur dix (29 %) ont voté pour Donald Trump, magnat de l'immobilier sans aucune expérience politique qui a promis d'expulser les quelque 11 millions de sans-papiers vivant aux États-Unis, de construire un mur à la frontière avec le Mexique et qui qualifie l'accord de libre-échange avec ce voisin du sud et le Canada de « désastre ». Soit plus que ceux qui avaient choisi le républicain Mitt Romney en 2012 (27 %).

Compter sur le « vote latino » comme un sésame unique pour la Maison-Blanche comportait en outre une erreur de base : il est difficile de parler de cet électorat comme d'une communauté homogène, les Hispano-américains formant un groupe très divers.

Ainsi, un Hispanique sur quatre (25 %) vivant aux États-Unis depuis trois générations soutient la construction d'un mur à la frontière mexicaine et la déportation des sans-papiers.

Les Cubains, qui bénéficient d'un régime spécial pour fuir l'île communiste et émigrer aux États-Unis, ne se sont pas du tout sentis visés par le discours offensif de Donald Trump sur les immigrés mexicains, « des violeurs » et « des criminels », explique Mark Hugo Lopez.

« L'électorat hispanique est conservateur, et les Cubains sont en général républicains, beaucoup sont contre l'avortement », avance-t-il.

Cubains-Américains conservateurs

Si le vote latino a atteint « un niveau record », la mobilisation n'a pas été aussi forte qu'attendue, estime-t-il, avançant que quelque 13 millions d'Hispaniques ont voté, soit moins de la moitié des 27,3 millions d'inscrits, dans l'attente des chiffres définitifs.

Et les suffrages hispaniques en faveur des démocrates n'ont pas été assez nombreux pour contrer la hausse du vote des Blancs défavorisés et moins éduqués, qui a pris de court la plupart des sondeurs.

Les démocrates espéraient notamment que le vote hispanique joue un rôle décisif dans des Êtas-clés, comme la Floride et l'Arizona, que leur candidate a finalement perdus.

« Les électeurs hispaniques de Donald Trump sont en général cubains-américains, disposent de plus hauts revenus, vivent en Floride, au Texas ou en Arizona, et sont plus éduqués que le reste des Hispaniques », estime Mark Hugo Lopez.

S'il avait perdu la Floride, Donald Trump aurait vu ses chances d'accéder à la Maison-Blanche sérieusement réduites. Les deux candidats ont donc déployé l'artillerie lourde pour séduire cet État du sud-est, le républicain se concentrant sur les zones les plus conservatrices, la démocrate tentant de séduire le vote des Portoricains, des Afro-Américains et des jeunes Hispaniques.

« Hillary Clinton comptait en Floride sur une participation plus forte des Hispaniques et des Noirs que ce qu'elle a finalement été, et ça lui a porté un coup », analyse Gregory Koger, professeur de sciences politiques à l'Université de Miami.

En revanche, « la participation des électeurs blancs, qui ont voté Trump, a dépassé les prévisions. Trump a ciblé les électeurs ruraux et des petites villes et ils ont répondu en masse », ajoute-t-il.

Pour Daniel A. Smith, de l'Université de Floride, c'est surtout parce qu'Hillary Clinton « n'a pas su persuader les femmes blanches et éduquées » de voter pour elle qu'elle a perdu cet État. « Ces femmes indépendantes, parfois républicaines modérées, n'aimaient pas forcément Trump, mais elles aimaient encore moins Hillary Clinton. »

Et Hillary Clinton n'est pas parvenue à enthousiasmer les Cubains conservateurs, à qui Donald Trump a promis de maintenir l'embargo pesant sur l'île communiste, à contre-courant du dégel des relations diplomatiques lancé par Barack Obama.

Plus d'un Cubain-Américain sur deux (52 %) a choisi Donald Trump en Floride, contre 47 % ayant voté pour Hillary Clinton, selon les sondages de sortie des urnes de Latino Decision, un institut spécialisé.

Il y a bien eu un « effet Trump », explique toutefois Mark Hugo Lopez, pointant vers les nombreux Latinos qui sont allés voter spécifiquement contre l'ex-vedette de téléréalité. Mais « il n'a pas été aussi fort que ce que certains pronostiquaient ».

Néanmoins, « le vote hispanique a augmenté et joue un rôle important dans toutes les campagnes. Et cela va continuer pendant au moins 20 ans ».