Les Frères musulmans ont réussi à infiltrer les agences gouvernementales et les institutions civiques des États-Unis, histoire de les subvertir. Pour démasquer ce dangereux complot, le Congrès américain doit instituer une commission d'enquête semblable à celle qui a fait la chasse aux communistes au milieu du siècle dernier.

En attendant, il faut avoir à l'oeil Huma Abedin, exemple vivant de cette infiltration sournoise. Qui est-elle? Née aux États-Unis d'immigrés musulmans de l'Inde et du Pakistan, cette femme a vécu la majeure partie de son enfance et de son adolescence à Djeddah, en Arabie saoudite.

Aujourd'hui âgée de 39 ans, elle a joué divers rôles dans l'entourage d'Hillary Clinton depuis 1996, y compris stagiaire à la Maison-Blanche, chef de cabinet adjointe au département d'État et vice-présidente de la campagne présidentielle de l'ancienne secrétaire d'État. Ses liens personnels et ceux de ses parents avec les Frères musulmans font d'elle «une bombe à retardement».

Frank Gaffney, fondateur d'un groupe de réflexion néoconservateur de Washington, est le promoteur de cette théorie du complot et de plusieurs autres encore. Depuis le 17 mars, il fait aussi partie de l'équipe de conseillers de Ted Cruz en matière de sécurité nationale. Le sénateur Cruz a salué en lui un «patriote lucide». Le Southern Poverty Law Center, organisme de référence en matière d'extrémisme, le décrit plutôt comme «l'un des islamophobes les plus célèbres» aux États-Unis.

Parmi les candidats à la présidence, Donald Trump semble seul en tête lorsqu'il s'agit d'imaginer le pire concernant l'ensemble des musulmans et leur religion. «L'islam nous hait», a-t-il dit lors d'un débat en mars, quelques mois après avoir proposé d'interdire aux musulmans étrangers l'entrée aux États-Unis.

Mais son plus sérieux rival républicain s'est entouré de plusieurs promoteurs de théories conspirationnistes impliquant des musulmans. Le général à la retraite Jerry Boykin nage dans les mêmes eaux que Frank Gaffney. La semaine dernière, lors d'une entrevue radiophonique, il a affirmé à son tour que des agents des Frères musulmans complotaient au sein du gouvernement américain - «pour changer notre culture en général et nous forcer à modifier notre propre comportement d'une façon que je considère comme dangereuse».

Au cours de la même entrevue, ce conseiller de Cruz en matière de sécurité nationale a également repris un autre thème cher à Gaffney et à ses semblables. Selon ses dires, des musulmans ont réussi à implanter des tribunaux islamiques au Texas et au Michigan.

«Et vous allez en voir davantage si les gens ne se réveillent pas et ne se lèvent pas contre cela», a-t-il déclaré.

Le site Right Wing Watch a lié l'origine des allégations de Boykin à de fausses rumeurs publiées sur l'internet, dont l'une a été qualifiée par le Houston Chronicle de «canular de 2015 au Texas».

Andrew McCarthy, autre conseiller de Cruz en matière de sécurité nationale, a peut-être une imagination moins fertile que celles de Gaffney ou de Boykin. Cet ancien procureur fédéral s'est fait un nom en obtenant la condamnation des auteurs de la première attaque contre le World Trade Center en 1993. Mais il a défendu l'opinion de Ben Carson, candidat à l'investiture républicaine jusqu'en mars, selon laquelle un musulman ne peut devenir président.

«Comme tous les citoyens naturalisés, les musulmans peuvent être des Américains extraordinaires», a-t-il écrit dans la revue National Review. «Mais tant que l'islam ne sera pas réformé de façon à permettre à un islam pluraliste et pro-liberté de supplanter dans le monde la règle familière du suprématisme islamique, il est parfaitement raisonnable de la part de Ben Carson, et de tout autre Américain, de s'opposer à l'idée d'un président musulman des États-Unis.»

Cela dit, les États-Unis ont peut-être déjà un président musulman, selon Frank Gaffney, président du Center for Security Policy, d'où viennent deux autres conseillers de Cruz.

Ses preuves? Lors de ce discours en Égypte, Obama a fait référence au «Saint Coran», évoqué sa familiarité avec l'islam et utilisé la formule «que la paix soit avec eux» en parlant de Moïse, Jésus et Mahomet.

Si ces «preuves» semblent minces, elles ne le sont pas moins que celles qui ont conduit Gaffney à mettre en garde ses compatriotes contre une infiltration de leur gouvernement et de leurs institutions par les Frères musulmans. Qu'à cela ne tienne: Donald Trump a cité un sondage douteux réalisé par son organisation pour justifier l'interdiction de l'immigration musulmane aux États.

Et Ted Cruz s'est appuyé sur ses théories et celles de ses semblables pour appeler à une surveillance intensifiée des «quartiers musulmans» aux États-Unis après les attentats de Bruxelles du 22 mars. Finira-t-il aussi par soutenir la proposition du général Boykin de fermer les mosquées dans son pays?

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Frank Gaffney