Ils croupissent au fond de leur bateau dans la chaleur et l'obscurité: des centaines de marins ukrainiens, yéménites ou philippins capturés par des pirates somaliens et souvent abandonnés par leur gouvernement ou leur employeur, attendent depuis des mois une hypothétique libération.

Ces marins -669 à ce jour selon l'association Ecoterra International spécialisée dans les questions de piraterie- s'apprêtent à passer le Nouvel An dans l'oubli.

Capturé le 29 mars dans le Golfe d'Aden avec sa cargaison de générateurs, le MV Iceberg est une proie typique des flibustiers somaliens: un roulier de 4000 tonnes battant pavillon panaméen, appartenant à une société installée à Dubaï, avec à son bord un équipage composite de 24 marins venus du Yemen, de l'Inde, des Philippines, du Ghana, du Soudan et du Pakistan.

«Les maladies se développent parmi l'équipage: certains souffrent d'hémorroïdes, un marin a perdu la vue et un autre a de graves problèmes d'estomac», témoigne le capitaine du navire, le yéménite Abdirazzak Ali Saleh, interrogé par l'AFP au téléphone.

«L'eau que nous buvons est sale et nous devons nous contenter d'un repas par jour, du riz. L'équipage souffre, autant physiquement que moralement», ajoute le capitaine. Interdits de contact téléphonique avec leur famille, les marins sont confinés dans une pièce de 25 m2.

Dans une affaire distincte, des pirates somaliens viennent de remettre vendredi aux forces navales internationales antipiraterie un des marins tunisiens du bateau Hannibal II parce qu'il souffrait de terribles maux de ventre, peut-être de l'appendicite, mais un tel geste est rarissime.

En octobre, un des officiers de l'équipage du MV Iceberg, Wagdi Akram, père de quatre enfants, a mis fin à ses jours en se jetant par dessus bord. Les pirates ont récupéré son corps et une vidéo filmée le mois dernier et vue par l'AFP montre deux captifs ouvrant un sac orange dans lequel repose le corps de leur camarade, entouré de quelques paquets de glace dans un congélateur.

«Le corps est toujours dans le congélateur mais nous n'avons pas d'essence pour faire tourner les générateurs» censés le faire fonctionner, témoigne M. Ali Saleh.

Les marins restent souvent plus longtemps que nécessaire aux mains de leurs ravisseurs car «plus un détournement (de bateau) dure, plus le propriétaire du navire peut obtenir d'argent s'il bénéficie d'une bonne assurance et des bons relais», accuse l'association Ecoterra.

«Des négociations qui pourraient être bouclées en trois ou quatre semaines, peuvent s'éterniser pendant des mois, en l'absence d'un interlocuteur qui ait à coeur le sort de l'équipage», témoigne à l'AFP un porte-parole de cette association de défense des droits de l'homme et de l'environnement.

Le MV Faina, capturé en septembre 2008 avec une cargaison d'armes, a fini par être libéré quatre mois plus tard après le versement d'une rançon correspondant au montant exact exigé par les pirates sitôt après l'attaque.

Dans le cas du MV Iceberg, le dernier contact avec le propriétaire du bateau remonte à six semaines, selon le capitaine Ali Saleh.

«Dans le cas d'un bateau de plaisance, l'équipage vaut plus que l'embarcation. Mais dans la plupart des autres affaires de piraterie, c'est le bâtiment et sa cargaison qui garantiront aux pirates l'obtention d'une rançon», explique le responsable d'Ecoterra.

«Le bien-être des marins se retrouve relégué au second plan. Les pirates regrettent d'avoir des bouches supplémentaires à nourrir et le propriétaire du bateau, parfois, regrettera d'avoir sur les bras un équipage qui l'empêche de monter une arnaque à l'assurance en «faisant couler son bateau» par un accord clandestin passé avec les pirates, toujours selon cette source.