Le président tunisien Béji Caïd Essebsi a reconnu dans une interview diffusée mardi que les forces de l'ordre n'étaient pas préparées à l'éventualité d'une attaque sur une plage, après l'attentat sanglant contre des touristes près de Sousse.

Outre le choc qu'elle a suscité en Tunisie et à l'étranger, cette attaque revendiquée par le groupe extrémiste État islamique (EI) risque d'avoir un impact économique de plus de 450 millions d'euros (environ 623 millions de dollars) en 2015, selon le ministère du Tourisme.

«C'est vrai que nous avons été surpris par cette affaire. Ils ont pris des dispositions pour le mois du ramadan, mais jamais ils n'avaient pensé que cela devait se faire sur les plages», a dit M. Caïd Essebsi à la radio Europe 1 en allusion aux chefs de la sécurité.

Vendredi, 38 personnes - dont au moins 25 Britanniques selon Tunis - ont été tuées lorsqu'un jeune Tunisien armé d'une kalachnikov, qu'il avait cachée dans un parasol, a ouvert le feu sur des vacanciers sur une plage et au bord des piscines de l'hôtel Imperial Marhaba à Port El Kantaoui, au sud de Tunis.

Cette attaque, la pire à être perpétrée par des djihadistes dans l'histoire de la Tunisie, est survenue trois mois après celle du musée du Bardo à Tunis le 18 mars, où 22 personnes (21 touristes étrangers et un policier) ont été tuées. L'EI l'a aussi revendiquée.

80 % d'annulations

Après le Bardo, des djihadistes avaient menacé de lancer de nouvelles attaques en été, certains détournant la campagne de solidarité avec ce pays en postant ce message sur Twitter: «IWillComeToTunisiaThisSummer», «Je viendrai en Tunisie cet été».

«S'il y a des défaillances, des sanctions seront prises immédiatement», a assuré M. Caïd Essebsi alors que selon plusieurs témoignages, l'attaque aurait duré une trentaine de minutes sans que les forces de l'ordre interviennent.

Le président américain Barack Obama, dont le pays cherche à éradiquer l'EI qui sévit surtout en Irak et en Syrie, a présenté ses condoléances à la Tunisie et proposé l'aide américaine pour l'enquête.

Mardi matin, des personnes déposaient encore fleurs et messages sur les lieux de l'attaque. Mais aucune mesure de sécurité n'était visible aux alentours et les voitures de police présentes la veille avaient disparu.

Après l'attaque, des milliers de touristes ont été évacués par leurs voyagistes, et le syndicat des agences de voyages françaises (SNAV) a indiqué enregistrer «80 % d'annulations et de demandes pour une autre destination» concernant juillet.

25 Britanniques tués

La ministre du Tourisme Selma Elloumi Rekik s'est alarmée lundi soir de l'impact économique de l'attentat.

«Il y a des évaluations qui sont faites. On ne peut pas donner de chiffre exact, mais il faut compter au moins (pour) l'impact sur le PIB (qu') il y a un manque à gagner d'au moins un milliard de dinars pour l'année (près de 623 millions de dollars)», a-t-elle dit.

Le budget de l'État pour 2015 est de près de 29 milliards de dinars (plus de 18 milliards de dollars).

La ministre a également annoncé une série de mesures destinées à limiter les dégâts dans le secteur du tourisme, déjà très affecté depuis 2011 par les bouleversements politiques, les tensions économiques et sociales et la menace djihadiste croissante.

Un nombre indéterminé de personnes ont été arrêtées en lien avec l'attaque de vendredi, alors que le gouvernement a décidé d'armer la police touristique et de la renforcer par un millier d'agents supplémentaires à partir de mercredi pour protéger hôtels, plages et sites touristiques.

Lundi, les ministres de l'Intérieur français, allemand et britannique, accompagnés de leur homologue tunisien, avaient rendu hommage aux victimes de l'attentat sur les lieux du carnage.

La Grande-Bretagne a payé le plus lourd tribut dans l'attaque avec 25 ressortissants tués, a indiqué mardi à l'AFP le ministère tunisien de la Santé qui doit encore identifier cinq dépouilles.

Mais le bilan pourrait monter à 30 morts britanniques selon Londres. Deux Allemands, trois Irlandais, une Portugaise, une Belge et une Russe figurent aussi parmi les morts.

Enfin, le procès de 24 personnes accusées d'être impliquées dans l'assassinat en 2013 de l'opposant de gauche Chokri Belaïd, farouche critique des islamistes, s'est ouvert à Tunis. Ce meurtre, revendiqué par des djihadistes ralliés à l'EI, avait choqué le pays et provoqué une profonde crise politique.