Bangkok était revenu à un semblant de vie normale hier, après les événements sanglants de mercredi dernier. La Bourse, les transports en commun, les écoles et les rues du centre-ville ont été rouverts.

Boulevard Ratchaprasong, au centre de la capitale, plus une seule trace du camp de retranchement qu'avaient installé les chemises rouges. Les milliers de tentes érigées par les manifestants antigouvernementaux ont été démantelées.

 

Hier matin, à l'heure de pointe, les barrages de barbelés et de sacs de sable des forces de sécurité avaient cédé la place aux marchands ambulants. À une intersection, un marchand de CD faisait jouer à tue-tête The Power of Love de Céline Dion.

Les autorités ont profité de la fin de semaine, mais aussi des couvre-feux quotidiens, pour ériger une imposante clôture de métal autour des ruines encore fumantes du Central World, le deuxième centre commercial en importance en Asie du Sud-Est, incendié par les protestataires.

Les décombres sont devenus l'attraction des touristes comme des citoyens de la ville. Pour plusieurs Thaïlandais, ces ruines sont le rappel du message de la majorité pauvre, écoeurée d'être dirigée par la minorité riche.

À travers les camions des réseaux de télévision, plusieurs Thaïlandais déambulaient pour photographier les ruines. «Tout semble revenu à la normale, a lancé Somchay, un Thaïlandais rencontré sur place. Mais je vous assure, ce n'est qu'une pause. Les chemises rouges vont se réorganiser», a-t-il dit.

À Chiang Mai, dans le nord du pays, où se trouve le bastion des chemises rouges et de leur idole, l'ex-premier ministre en exil, Thaksin Shinawatra, on commence déjà à se réorganiser. Pour l'instant, leur problème demeure le fait qu'ils n'ont plus de leaders. Huit des 30 chefs rouges se sont rendus à la police; les autres se cachent des autorités, mais leurs sympathisants les réclament pour la suite des choses.

Jugement et motions

D'ailleurs, c'est aujourd'hui qu'une cour criminelle doit rendre sa décision quant à l'inculpation de l'ancien premier ministre pour complot terroriste. Le gouvernement estime que les chemises rouges ont commis des actes terroristes et que Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d'État militaire en 2006, tirait les ficelles.

Quant au premier ministre actuel, Abhisit Vejjajiva, il pourrait se voir démis de ses fonctions si la motion qu'a présentée hier l'opposition officielle est adoptée par le Parlement. Le parti Puea Thai accuse le premier ministre et trois de ses ministres de malfaisance en vertu de l'article 270 de la Constitution thaïlandaise parce qu'ils ont eu recours à l'armée et aux armes contre leurs propres citoyens.

Hier après-midi, le président de la Chambre a en outre présenté une autre motion, cette fois de défiance à l'égard du premier ministre et de cinq de ses ministres. L'opposition réclame un débat sur ces deux motions.

Mais le premier ministre souhaite d'abord un débat sur le budget 2011 afin de relancer au plus tôt l'économie et les investissements étrangers. On estime que les violences politiques des dernières semaines pourraient coûter au bas mot 4,5 milliards à l'économie thaïlandaise.

Le gouvernement thaïlandais doit décider aujourd'hui s'il prolongera le couvre-feu imposé de minuit à 4 h du matin jusqu'au 31 mai.