La Cour pénale internationale a décidé vendredi que la Libye pouvait juger l'ancien espion en chef du dictateur déchu Mouammar Kadhafi, Abdallah al-Senoussi, une première historique pour la CPI.

Celle-ci avait demandé que l'ancien espion lui soit remis afin de le juger pour crimes contre l'humanité. Étant donné qu'Abdallah al-Senoussi va être jugé en Libye, les juges de la CPI «ont conclu que le cas ne pouvait être porté devant la Cour, en accord avec le principe de complémentarité», selon un communiqué de la cour.

C'est la première fois qu'une telle décision est prise par la Cour, qui avait refusé de pareilles demandes de la part du Kenya, notamment.

L'avocat de Senoussi, Ben Emmerson, a immédiatement annoncé son intention de faire appel, dans un courriel envoyé à l'AFP.

«C'est une décision choquante», qui condamne Senoussi à «une justice de lynchage» et «à une inévitable peine de mort», a-t-il estimé.

Cette décision ne concerne que l'ancien espion et non le fils de l'ancien dictateur déchu, Seif al-Islam, a souligné la Cour, qui désire toujours que celui-ci soit transféré à La Haye.

L'ancien héritier de Kadhafi et d'autres hauts responsables de son régime sont accusés de crimes commis dans la répression de la révolte contre le dictateur il y a deux ans.

«L'accusation contre Senoussi fait actuellement l'objet d'une procédure dans son pays, menée par les autorités compétentes, et la Libye est prête et capable de mener véritablement cette enquête», ont estimé les juges.

Le statut de Rome, le traité fondateur de la CPI, prévoit que la Cour ne peut entamer des procédures et juger un suspect que si et seulement si son pays est dans l'incapacité ou n'a pas la volonté de le faire.

La CPI a précisé qu'elle pourrait revenir sur sa décision s'il apparaissait que Senoussi ne bénéficiait pas d'un procès équitable.

Le procureur et la défense peuvent tous les deux interjeter appel de cette décision s'ils le désirent. Si des faits «nouvellement apparus» sont contraires aux raisons qui ont poussé les juges à prendre cette décision, celle-ci peut être réexaminée.

Un tribunal de Tripoli doit décider le 24 octobre s'il va inculper Seif al-Islam, Senoussi et 18 autres hauts responsables de l'ancien régime.

Le fils de Kadhafi est toujours aux mains de rebelles dans la ville de Zenten (ouest) et ceux-ci ont jusqu'à présent refusé de le remettre aux autorités.

La CPI a estimé «que les documents fournis par la Libye montrent que les enquêtes de la Libye et de la CPI couvrent les mêmes faits, et que les autorités locales ont pris» les mesures nécessaires pour mener à bien ce procès, a souligné la Cour.

«La CPI est un tribunal de dernier recours. Elle ne remplace pas les systèmes judiciaires nationaux, elle vient en complément», a souligné le porte-parole de la Cour, Fadi El Abdallah.

Les associations de défense des droits de l'homme Amnesty International et Human Rights Watch avaient toutes deux demandé que Seif al-Islam et Senoussi soient jugés par la CPI.

Lors de la dernière parution d'Abdallah al-Senoussi devant un tribunal de Zenten le mois dernier, quelques dizaines de membres de familles des victimes du massacre d'Abou Salim en 1996, commandité selon plusieurs témoignages par M. Senoussi, manifestaient devant le tribunal de Zenten pour réclamer justice.

Beau-frère par alliance de l'ancien «Guide de la révolution», Abdallah al-Senoussi faisait partie du premier cercle et a été l'un des artisans de la répression sanglante contre la rébellion de 2011.