Les présidents iranien, russe et turc se retrouvent vendredi à Téhéran pour un sommet sur le sort de la province d'Idleb, ultime grand bastion djihadiste et rebelle de Syrie où la communauté internationale redoute un désastre humanitaire imminent en cas d'offensive des forces loyalistes.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan est arrivé peu après 4h30 à l'aéroport de Mehrabad, dans la capitale iranienne, précédent l'hôte du Kremlin, Vladimir Poutine, d'environ 40 minutes, selon des images de la télévision d'État.

Les deux hommes doivent retrouver le président iranien Hassan Rohani à 6h.

L'Iran, la Russie et la Turquie parrainent les belligérants en Syrie, soutenant les autorités de Damas pour Téhéran et Moscou, et les rebelles pour Ankara.

Devenus incontournables dans le conflit, les trois pays pilotent le processus d'Astana, série de discussions de paix lancée après l'intervention militaire russe de 2015, qui a totalement changé la donne dans cette guerre en remettant en selle le président Bachar Al-Assad. Le processus d'Astana a éclipsé les négociations de Genève dirigées par l'ONU.

La rencontre de Téhéran a lieu quelques heures seulement avant une autre réunion sur la situation à Idleb, convoquée par les États-Unis au Conseil de sécurité de l'ONU.

Selon la télévision d'État, les trois dirigeants auront chacun «des rencontres bilatérales» en marge de leur sommet.

Conquis en 2015 par les insurgés, Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, est leur dernier grand bastion dans le pays. C'est là qu'ont été envoyés des dizaines de milliers de rebelles et de civils évacués d'autres bastions de l'opposition repris par les forces loyalistes à travers le pays.

Jeudi, des centaines de civils ont commencé à fuir la zone par crainte d'un assaut imminent des troupes gouvernementales.

Déterminé à reprendre l'ensemble du territoire et fort du soutien militaire russe et iranien, le pouvoir de Damas a massé des renforts aux abords de la province, frontalière de la Turquie et dominée par les djihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS), mais qui accueille aussi d'importantes factions rebelles.

Damas, Moscou et Téhéran doivent cependant tenir compte de la position de la Turquie, qui dispose de troupes à Idleb et craint un afflux massif de réfugiés sur son territoire.

La porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a rappelé vendredi matin la position russe selon laquelle «une liquidation totale et définitive des terroristes sur tout le territoire de la Syrie est nécessaire».

«Pire catastrophe humanitaire»

L'Iran a assuré Damas de son «soutien» et de sa volonté de «poursuivre son rôle de conseiller et son aide pour la prochaine campagne d'Idleb».

La rencontre entre MM. Rohani, Poutine et Erdogan pourrait déterminer l'ampleur et le calendrier de l'offensive contre Idleb.

La Turquie, qui dit craindre un «massacre», a affirmé qu'elle allait tenter à Téhéran d'empêcher un assaut.

Selon un journal turc, elle doit soumettre un plan prévoyant l'évacuation des groupes armés d'Idleb.

Aux termes de ce plan rapporté par le quotidien progouvernemental Sabah, douze «groupes armés», dont HTS, qui domine 60% de la province, devront déposer les armes.

L'Iran, de son côté, a assuré vouloir aider Damas à chasser les insurgés d'Idleb «avec le moins possible de pertes humaines». «La Russie fait tout ce qui est en son pouvoir pour que les pertes humaines et le préjudice pour la population civile d'Idleb soient réduits au maximum», a affirmé mercredi Mme Zakharova.

Quelque trois millions d'habitants vivent dans la province d'Idleb et les quelques poches insurgées dans les provinces voisines de Hama, Alep ou encore Lattaquié, selon l'ONU. Près de la moitié sont des déplacés.

Mercredi, les Nations unies ont mis en garde contre un «bain de sang» à Idleb, craignant qu'une offensive ne provoque une catastrophe humanitaire d'une ampleur inédite depuis le début du conflit syrien.

Dans une communiqué commun, huit ONG internationales actives en Syrie, dont Save The Children, ont appelé les «dirigeants mondiaux» qui se réunissent vendredi à Téhéran et New York à «travailler ensemble pour éviter» que survienne «la pire catastrophe humanitaire en sept ans de guerre en Syrie»

La Maison-Blanche a mis en garde mardi Damas et ses alliés russe et iranien contre un recours aux armes chimiques à Idleb. Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a réaffirmé jeudi la détermination de la France «à n'accepter aucune dérogation à la non prolifération chimique».