Le régime libyen s'est insurgé vendredi contre le plan international d'aide aux rebelles, qui prévoit l'utilisation de ses fonds gelés, et a répété que Mouammar Kadhafi n'avait aucune intention de quitter le pouvoir, au lendemain de la réunion du Groupe de contact à Rome.

Près de trois mois après le début du conflit lancé mi-février par une révolte contre le pouvoir autoritaire de M. Kadhafi, les combats semblent marquer le pas, en particulier dans la région stratégique de Misrata (ouest).

La France, premier pays à reconnaître le Conseil national de transition (CNT) mis en place par la rébellion à Benghazi (est), a donné deux jours à 14 anciens diplomates libyens pour quitter son territoire.

Dans l'attente d'une solution politique ou militaire au conflit, le Groupe de contact sur la Libye a mis en place jeudi un «fonds spécial» pour le CNT, qui sera alimenté par des dons et des prêts notamment arabes, puis en partie par les avoirs libyens gelés aux États-Unis et en Europe.

Il devrait être opérationnel dans quelques semaines et servir principalement à payer les salaires, ainsi qu'à acheter des vivres et des médicaments.

«La Libye est toujours, selon le droit international, un État souverain, et toute utilisation des fonds gelés est comme de la piraterie en haute mer», a répliqué le vice-ministre libyen des Affaires étrangères, Khaled Kaïm, lors d'une conférence de presse à Tripoli.

Outre l'aide financière, la réunion de Rome a évoqué les moyens de parvenir le plus vite possible à un cessez-le-feu, le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini estimant «réaliste» qu'il puisse intervenir «d'ici quelques semaines».

La Russie et la Chine ont déclaré vendredi unir leurs efforts pour obtenir un «cessez-le-feu», mais répété leur opposition de principe à toute ingérence et a fortiori à une intervention terrestre.

Crimes contre l'humanité

Le conflit a déjà fait des milliers de morts, selon le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, qui compte demander trois mandats d'arrêt pour des crimes contre l'humanité commis en Libye.

Malgré l'intervention d'une coalition internationale le 19 mars sous mandat de l'ONU pour mettre fin à la répression sanglante, des opérations désormais gérées par l'Otan, la situation militaire semble bloquée sur le terrain, et la crise humanitaire risque de s'aggraver.

Les combats se focalisaient encore sur Misrata, grande ville côtière à 200 km à l'est de Tripoli, assiégée depuis plus de deux mois par les pro-Kadhafi. Mais peu d'informations filtraient depuis mercredi et le départ de la quasi-totalité des journalistes étrangers.

«C'est relativement calme. Il y a des heurts dans les faubourgs et sur la route de l'aéroport», a déclaré un porte-parole du CNT à Misrata, joint par téléphone.

Mais des combats ont fait de nombreuses victimes des deux côtés autour de Misrata et à Abou Roueya, à l'ouest de la ville, a ajouté Souleiman Fortiya, un représentant de Misrata au CNT, actuellement à Benghazi. L'AFP n'a pas réussi à joindre les responsables médicaux de la ville pour obtenir un bilan.

Selon M. Fortiya, les forces pro-Kadhafi se regroupent à Zliten, à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Misrata. Les pro-Kadhafi sont «en grands préparatifs pour marcher sur Misrata. Les troupes vont venir de Zliten, et elles seront vraisemblablement en civil», a-t-il ajouté.

En revanche, le port de Misrata, seul lien avec le reste du monde pour la ville assiégée, était ouvert et relativement calme, ont assuré à la fois M. Fortiya et le président du Comité militaire des chefs d'état-major de l'Otan, l'amiral Paolo Di Paola.

Dans l'Ouest, 14 obus sont tombés jeudi soir sur le sol tunisien, à quelques kilomètres de la frontière avec la Libye, selon la police tunisienne. Ces obus, qui n'ont pas fait de victimes, provenaient de l'artillerie des pro-Kadhafi, qui luttent contre des rebelles dans cette région de montagne à majorité berbère.

La frontière n'a cependant pas été fermée, et le flot de réfugiés libyens s'est poursuivi jeudi. Selon le Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR), près de 50.000 réfugiés sont passés en Tunisie depuis un mois via le poste de Dehiba, désormais tenu par les rebelles.

Jeudi, les pro-Kadhafi ont aussi lancé une centaine de roquettes sur Zenten, la principale ville de cette région, à 200 km de la frontière, selon un témoin. L'OTAN a aussi annoncé avoir mené de nombreuses frappes jeudi dans la région, détruisant neuf dépôts de munitions, sept véhicules militaires et deux lance-roquettes.