Le gouvernement américain requerra la peine de mort à l'encontre de Djokhar Tsarnaev, accusé d'avoir orchestré avec son frère le double attentat du marathon de Boston, une démarche emblématique qui, au niveau fédéral aboutit cependant à de très rares exécutions.

«Après avoir examiné les faits, les législations en vigueur et les éléments soumis par l'avocat de l'accusé, j'ai décidé que les États-Unis requerront la peine de mort dans cette affaire», a annoncé jeudi le ministre américain de la Justice, Eric Holder.

Cette décision de l'administration Obama, rendue à la veille de la date butoir, était très attendue tant le double attentat avait fait revivre aux Américains l'effroi du 11-Septembre.

L'explosion de deux bombes artisanales le 15 avril 2013 sur la ligne d'arrivée du célèbre marathon de Boston, couru par des milliers de personnes, avait semé la panique parmi les spectateurs, faisant trois morts et 260 blessés, parmi lesquels plusieurs amputés.

Trois jours plus tard, le policier Sean Collier avait été tué sur le campus d'une université lors de la traque des frères Tsarnaev, qui avait vu aussi la mort de l'aîné Tamerlan Tsarnaev, abattu par la police.

«La nature du comportement incriminé et le préjudice qui en a résulté exigent» de requérir la peine capitale, a justifié le ministre Holder, dans un communiqué.

Le plus jeune des frères Tsarnaev, 19 ans, est inculpé notamment d'utilisation d'arme de destruction massive ayant entraîné la mort, d'attentat dans un espace public et d'utilisation d'une arme à feu.

La mort du policier Sean Collier lui est également imputée.

Selon une «déclaration d'intention pour requérir la peine capitale» obtenue par l'AFP, le châtiment suprême est justifié pour 17 des 30 chefs d'inculpation, avec des circonstances aggravantes comme la «trahison des États-Unis» pour ce Tchétchène naturalisé Américain en 2012, «le choix du site» du marathon, un «événement emblématique» pour perpétrer un acte terroriste, ou encore «l'absence de remords».

Encore beaucoup d'étapes à franchir

«Nous soutenons cette décision et l'équipe judiciaire se prépare à passer» à l'étape du procès, a déclaré Carmen Ortiz, la procureure fédérale du Massachusetts (nord-est), où est situé Boston.

Même s'il peut encore être délocalisé, le procès, qui pourrait commencer dès l'automne et se dérouler sur cinq mois, devrait se tenir dans un État qui a aboli la peine de mort en 1982. Mais dans ce cas, le jeune accusé relève de la justice fédérale.

Cette décision du gouvernement Obama «peut tout à fait ne pas aboutir à une condamnation à mort» de Tsarnaev, a commenté pour l'AFP Richard Dieter, directeur du Centre d'information sur la peine capitale (DPIC). «C'est juste une option de plus sur la table pour donner à cette affaire plus d'attention au niveau national, mais il y a encore beaucoup d'étapes à franchir».

Les statistiques sont parlantes: sur les près de 500 peines capitales requises au niveau fédéral, 70 condamnations à mort ont été prononcées, aboutissant à seulement trois exécutions depuis le rétablissement de la peine capitale au niveau fédéral en 1988, selon les chiffres du DPIC.

Mais s'il est un jour exécuté, Tsarnaev serait le premier accusé d'attentat terroriste mis à mort depuis l'auteur de l'attentat d'Oklahoma City, Timothy McVeigh exécuté en juin 2001.

Les deux autres hommes exécutés depuis dans la chambre de la mort fédérale située à Terres Hautes dans l'Indiana (nord), Raul Garza et Louis Jones, l'ont été pour meurtres. Mais 59 hommes sont toujours dans le couloir de la mort fédéral.

Tsarnaev s'est d'ailleurs doté d'une avocate de renom, avec le recrutement de Judy Clarke, spécialiste de la peine de mort qui a épargné le châtiment suprême à plusieurs grosses pointures, comme le Français Zacarias Moussaoui, accusé de complicité dans les attentats du 11-Septembre, le célèbre «Unabomber» Ted Kaczynski, ou encore l'auteur de l'attentat des JO d'Atlanta Eric Rudolph.

Les avocats de Tsarnaev «vont se battre fort (pour lui épargner) la peine de mort», a récemment commenté le professeur de droit de Harvard Alan Dershowitz. Leur «client veut vivre et il veut éviter l'exécution; ils ne vont pas plaider qu'il veut mourir en martyr et rejoindre son frère».