Au milieu d'un paysage désertique de dunes rocheuses, entre les pierres et la poussière, sont éparpillées des tentes mal montées. Çà et là, des feux de camp côtoient de petits autels à la Vierge Marie entourés de bougies qui restent allumées toute la journée. Un peu partout, des drapeaux chiliens flottent au vent.

Ils sont toutefois moins nombreux que les messages de soutien qui, eux, abondent. «Mon petit papa, on t'attend! Allez, Mario Gomez! Tu en as vu d'autres!», «Allez, bon sang! Plein de terre et de pierres ne pourront rien contre cette poignée d'habitants du désert d'Atacama!! Force et coeur de mineurs!», «Force aux mineurs!»

Alors que les 33 mineurs sont bloqués sous terre depuis 27 jours, un record, leurs familles les attendent au beau milieu du désert, dans ce campement aménagé de bric et de broc. Elles sont là 24 heures sur 24. Elles y endurent des nuits trop froides et font fi du soleil mordant de la journée.

Elles se tiennent à proximité de la mine, le plus près possible de leurs proches, juste avant la barrière qui marque son entrée, surmontée d'un panneau devenu ironique: «Compagnie minière San Esteban, mine San Antonio-San José. Ensemble, nous ferons une mine plus sûre.»

Vie quotidienne impossible

Située à une cinquantaine de kilomètres de la ville la plus proche (Caldera, 13 000 habitants), la mine est isolée au bord du désert d'Atacama, le plus aride du monde. Pour l'atteindre, il faut rouler pendant 40 minutes au milieu de dunes lunaires sur une route rocailleuse couverte d'une brume épaisse le matin et le soir.

C'est dans ce coin perdu au bout du monde, donc, qu'une douzaine de familles préfèrent attendre plutôt que de reprendre la vie quotidienne, impossible à poursuivre à cause du vide créé par ce père, ce mari, ce frère, ce fils...

«J'ai essayé de rentrer, explique Liliana Ramirez, la femme de Mario Gomez, le vétéran des 33 mineurs, âgé de 63 ans. Mais je me sens mal, chez moi. Je tourne en rond. J'ai l'impression qu'il peut se passer quelque chose ici et que je ne serai pas au courant. Je resterai ici jusqu'à ce que le dernier mineur sorte de là!»

Tous les jours vers 18h, les autorités informent les familles des avancées des secours ou des prochains rendez-vous téléphoniques ou vidéo avec les mineurs. Les familles peuvent constamment communiquer avec eux par courrier.

Néanmoins, après ce dimanche miraculeux où ils ont appris que les 33 hommes étaient toujours vivants, plusieurs proches ont dû retourner au travail, à l'école, à l'université. Mais chaque fois qu'ils le peuvent, ils reviennent.

L'attente parmi les journalistes

«Moi, je dors ici tous les soirs, mais je passe la journée avec mes filles à Copiapo», explique Cristina Núñez, compagne de Claudio Yáñez, 43 ans, qui travaillait dans cette mine depuis quelques mois seulement. «Ici, je me sens plus proche de lui. Il sait que je suis là et que je l'attends.»

Pour les familles qui vivent dans le campement, les jours sont longs. Tandis que des camions ne cessent de passer sur la route bordée de tentes, elles attendent. «Je n'ai rien à faire, soupire Romina Gomez, 20 ans. Je me lève, je m'assois, je fais du feu, je balaie la terre, j'écris des lettres à mon père aussi, quand j'ai envie...» explique cette belle brune, une des quatre filles de Mario Gomez.

S'il n'y avait rien au début, les municipalités proches du site ont monté de grandes tentes blanches. L'une protège du froid les tentes des familles, l'autre est destinée à la presse, arrivée massivement sur le site, et la troisième abrite une cafétéria où quatre cuisinières préparent des repas chauds et où des bénévoles distribuent thé, café et sandwichs. Le dimanche, des animatrices viennent distraire les enfants.

Si la solidarité est impressionnante - les dons et des cadeaux affluent de toutes parts -, les familles ne pensent qu'à une chose: le retour de leurs mineurs. Liliana Ramirez sourit, les yeux brillants, lorsqu'elle pense à l'avenir: «Quand Mario sortira, on partira en vacances à la plage.»