L'UE tenait dimanche, dans l'urgence et un climat de tensions, un mini-sommet avec les pays européens les plus exposés à l'afflux de migrants transitant par les Balkans afin de juguler «collectivement» une crise sans précédent qui menace l'unité de l'Europe.

Pour la Commission européenne, maître d'oeuvre de la réunion, il s'agit de répondre au «besoin d'une plus grande coopération, de consultations plus poussées et d'actions opérationnelles immédiates» pour les pays situés sur la route «dramatique» des Balkans de l'Ouest qui conduit migrants et réfugiés depuis la Turquie et la Grèce vers le nord de l'UE.

À leur arrivée, les dirigeants européens ont souligné «le défi exceptionnel» auquel est confrontée l'Europe.

«Si nous ne prenons pas d'actions immédiates et concrètes sur le terrain dans les jours et semaines à venir, je pense que l'UE tout entière va commencer à s'effondrer», a averti gravement le premier ministre slovène Miro Cerar, dont le petit pays a vu transiter plus de 60 000 migrants en dix jours.

Sont venus à Bruxelles les chefs d'État ou de gouvernement de dix États membres (Allemagne, Autriche, Luxembourg, Bulgarie, Croatie, Grèce, Hongrie, Pays-Bas, Roumanie, Slovénie) mais aussi de trois pays qui n'appartiennent pas à l'Union: Albanie, Macédoine et Serbie.

Le président du Conseil européen, Donald Tusk --qui a évoqué des «développements brutaux et dramatiques à nos frontières»--, le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) et l'agence européenne de surveillance des frontières Frontex participent aussi à la rencontre.

Rompre avec «la politique du laisser-passer»

«Dans les Balkans, ce n'est pas possible que l'on ait seulement une perspective nationale en tête, il faut que l'on mette en oeuvre des solutions européennes», a plaidé le ministre luxembourgeois des Migrations Jean Asselborn.

«Si nous échouons, les forces nationalistes de droite auront beau jeu de dire que l'Europe a échoué», a mis en garde le chancelier autrichien Werner Faymann.

Ce mini-sommet sera suivi d'un dîner de travail, au cours duquel devrait être abordée la question controversée de la «relocalisation», à savoir la répartition des réfugiés au sein d'autres Etats de l'UE.

Le président de la Commission Jean-Claude Juncker a présenté à ses hôtes 16 propositions censées «restaurer la stabilité de la gestion des migrations dans la région et ralentir les flux» à travers «une approche collective transfrontalière», selon le document obtenu par l'AFP.

Il a exhorté dimanche les pays des Balkans à rompre avec la «politique du laisser-passer». «Les États qui se trouvent le long de la route des Balkans de l'ouest doivent veiller à garantir des procédures et des conditions respectueuses des règles», a-t-il déclaré au quotidien allemand Bild.

Mais les discussions s'annoncent difficiles.

Dans un contexte de tensions croissantes, les pays des Balkans, qui craignent que les migrants ne s'installent en permanence chez eux, font monter la pression: les premiers ministres de Serbie, de Roumanie et de Bulgarie ont averti qu'ils étaient prêts à fermer leurs frontières si d'autres États, l'Allemagne notamment, bouclaient les leurs.

Vers l'Allemagne ou la Suède

Nouvelle zone de transit, la Slovénie, débordée depuis l'installation de clôtures antimigrants par la Hongrie, a récemment menacé d'ériger à son tour une barrière si l'UE ne lui apporte pas un soutien suffisant. Pour la seule journée de samedi, 11 500 migrants --un nouveau chiffre record quotidien-- sont arrivés en Croatie.

«Sommes-nous en Croatie? Combien faut-il faire de kilomètres en Slovénie?», demande une étudiante syrienne, Isra, qui vient de marcher jusqu'au village croate de Kljuc Brdovecki, près de la frontière slovène. «On veut aller en Allemagne ou en Suède», dit-elle.

Dans les mesures qu'elle préconise, la Commission européenne propose de dépêcher rapidement 400 douaniers européens en renfort dans ce pays exigu de deux millions d'habitants.

«Je suis sur la route depuis une semaine, racontait dimanche au poste frontière serbo-croate de Berkasovo Shaker Abara, un Syrien originaire de Homs. Le plus difficile c'est lorsque nous avons pris la mer en Turquie, nous étions 38 sur un petit bateau pneumatique...»

«On ne peut pas résoudre le problème des réfugiés dans son ensemble, on a aussi besoin de la Turquie. Il faut mieux répartir le fardeau entre la Turquie et l'Europe», a estimé la chancelière Angela Merkel, alors que l'UE a initié des pourparlers à ce sujet avec Ankara.

À propos du contrôle des frontières extérieures, les dirigeants des États concernés sont requis d'«accélérer leurs efforts» pour renvoyer les migrants déboutés du droit d'asile, avec l'assistance technique de Frontex, selon le document de la Commission.

Il y a urgence, avec l'approche de l'hiver. Amnesty International a mis en garde contre une «crise humanitaire qui vient».