C'est désormais le plus grand camp de réfugiés du monde : Cox's Bazar, au Bangladesh. Quelque 900 000 Rohingya venus de la Birmanie voisine s'y entassent. La ministre canadienne du Développement international, Marie-Claude Bibeau, s'y rendra en novembre.

Marie-Claude Bibeau ira constater par elle-même l'ampleur de la crise humanitaire qui sévit au Bangladesh, où affluent les réfugiés musulmans rohingya victimes d'un « nettoyage ethnique » en Birmanie.

La ministre canadienne du Développement international et de la Francophonie a révélé cette information lors d'un entretien avec La Presse, en marge de son allocution devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), vendredi.

Elle rencontrera notamment « les partenaires humanitaires » du Canada, qui oeuvrent dans le camp de réfugiés de Cox's Bazar.

« La reconnaissance de leur travail, c'est important », explique la ministre Bibeau, qui qualifie les travailleurs humanitaires de « héros, parce qu'ils travaillent dans des conditions extrêmement difficiles et dangereuses ».

La ministre Bibeau s'attend aussi à ce que sa visite, au cours de laquelle elle aura des rencontres « seule à seule » avec des réfugiés, lui permette de mieux orienter l'aide canadienne.

Le Canada multiplie les actions pour aider à gérer cette grave crise humanitaire ; deux fois, depuis le début d'octobre, Ottawa a bonifié son aide aux organisations internationales qui oeuvrent sur place.

Le total atteint aujourd'hui 25 millions dollars, qui sont versés notamment à la Croix-Rouge, à Médecins sans frontières, au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ainsi qu'à l'Organisation internationale pour les migrations.

Ottawa a également nommé la semaine dernière comme envoyé spécial auprès de la Birmanie l'ancien député fédéral et ancien premier ministre ontarien Bob Rae, qui mènera les efforts diplomatiques du Canada en vue de résoudre la crise.

Aide internationale féministe

La réponse du Canada à la crise humanitaire qui se déroule en Birmanie illustre bien la nouvelle « politique d'aide internationale féministe » lancée par Ottawa en juin dernier et que Marie-Claude Bibeau était venue présenter à la tribune du CORIM, vendredi.

L'argent octroyé sert notamment à financer des soins de santé sexuelle et des moyens de contraception dans le camp de Cox's Bazar, illustre la ministre, un domaine où les bailleurs de fonds ne se bousculent pas au portillon.

« Les États-Unis se sont complètement retirés » du financement de ce genre d'activités à travers le Fonds des Nations unies pour la population, rappelle-t-elle.

Les violences sexuelles sont pourtant un problème majeur dans la crise actuelle, alors que « 70 % de nouveaux réfugiés qui arrivent au Bangladesh depuis le mois d'août sont des femmes ou des enfants », dont plusieurs ont été l'objet de viols et d'autres agressions, a indiqué la ministre dans son allocution.

Le camp de Cox's Bazar abrite d'ailleurs quelque 20 000 femmes enceintes qui ont aussi besoin de soins obstétriques.

Une politique qui porte ses fruits

Les violences sexuelles sont d'ailleurs un sujet qui touche profondément Marie-Claude Bibeau, qui a été bouleversée par son voyage en République démocratique du Congo, en juillet dernier, où elle a rencontré des victimes de viol.

« Un viol, là-bas, c'est extrêmement violent, c'est la destruction du corps de la femme pour détruire la communauté », dit la ministre, dont le regard s'embue.

« Quand tu es assise en tête à tête avec des femmes qui, une après l'autre, te racontent des atrocités que nous, comme Canadiens, on ne peut même pas s'imaginer [...], c'est dur. »

Mais lors de ce même voyage, elle a visité un « guichet unique », que finance le Canada, où les victimes de viol ont accès à des soins, physiques et psychologiques, à la justice, de même qu'à un programme de renforcement économique, afin qu'elles repartent avec des outils leur permettant de subvenir à leurs besoins, que ce soit du bétail ou des matériaux pour fabriquer des choses à vendre au marché.

Qui dit aide féministe ne dit pas aide destinée seulement aux femmes, précise Marie-Claude Bibeau, qui cite en exemple un récent voyage au Kurdistan, où elle a visité un village confronté à l'arrivée de réfugiés syriens et de déplacés irakiens de confessions diverses, où la tension avait commencé à monter.

« Les femmes ont suivi une formation sur la résolution pacifique des conflits », raconte la ministre, puis ont créé une association et organisé des activités pour l'ensemble de la communauté, ce qui « a eu comme effet immédiat de réduire de façon importante la violence » dans le village.

Marie-Claude Bibeau estime que c'est parce que la politique d'aide internationale féministe de son gouvernement « fait consensus » auprès de ses partenaires qu'elle en perçoit déjà les effets concrets sur le terrain.

Photo Martin Chamberland, La Presse

La ministre canadienne du Développement international et de la Francophonie Marie-Claude Bibeau a donné une allocution devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), vendredi.