Le régime nord-coréen multiplie les tests de missiles afin de faire entendre haut et fort ses doléances aux États-Unis et à ses alliés dans la région.

Son dirigeant, Kim Jong-un, a martelé le point en début de semaine en relevant que son pays n’hésiterait pas à recourir à des « actions plus offensives » pour repousser la menace militaire découlant, selon lui, des efforts concertés de l’administration américaine, de la Corée du Sud et du Japon contre lui.

Le potentat nord-coréen a tenu ces propos peu de temps après que son régime eut testé lundi avec succès un missile balistique intercontinental, le Hwasong-18, qui a la portée théorique requise pour frapper le territoire américain.

Il s’agissait du troisième essai de ce modèle par Pyongyang, qui a procédé à une centaine de tirs de missiles depuis l’année dernière.

« Le régime gagne en confiance relativement à ce système. Il envoie évidemment aussi un message diplomatique », relève Tom Collina, expert en prolifération nucléaire lié à la Fondation Ploughshares.

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Le missile balistique intercontinental Hwasong-18 a la portée théorique requise pour frapper le territoire américain.

Actions coordonnées

La Corée du Nord, dit-il, s’alarme notamment du fait que les États-Unis et la Corée du Sud ont entrepris de coordonner plus étroitement leurs actions en prévision d’un éventuel conflit armé.

Les deux pays ont annoncé qu’ils avaient convenu notamment d’intégrer l’utilisation possible d’armes nucléaires dans les exercices militaires communs qu’ils mènent chaque année.

Ils ont aussi annoncé la mise en place d’un système de suivi en temps réel des missiles provenant de la Corée du Nord en vue notamment d’accroître leur capacité d’intervention.

L’administration de Joe Biden a pris l’initiative par ailleurs d’intensifier le déploiement dans la région de navires ou de sous-marins dotés de l’arme nucléaire.

Cette série de mesures, note M. Collina, était elle-même une réaction aux manœuvres récentes de la Corée du Nord, qui a notamment réussi à lancer un satellite d’espionnage en novembre en passant outre aux interdictions des Nations unies.

Troc avec la Russie ?

Kim Jong-un a par ailleurs suscité bien des inquiétudes en se rendant en septembre en Russie pour rencontrer son homologue, Vladimir Poutine.

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Kim Jong-un et Vladimir Poutine, le 13 septembre dernier

Plusieurs analystes ont avancé que les deux hommes avaient convenu d’un troc, Pyongyang fournissant des munitions cruciales pour la poursuite de la guerre russe en Ukraine en échange de technologies requises pour le développement de son programme de missiles.

« On n’a pas d’indication précise à ce stade que c’est bel et bien ce qui s’est passé », note M. Collina.

Denny Roy, spécialiste de la Corée du Nord rattaché à l’East-West Center, note que le développement d’un missile à carburant solide est important puisqu’il permet d’écourter « grandement » le temps requis pour préparer un tir, compliquant les efforts d’interception.

Le régime de Kim Jong-un, relève le chercheur, n’a cependant pas encore démontré qu’il était capable de procéder à un tir de longue portée avec précision. Ou qu’il dispose d’un mécanisme efficace pour permettre à une charge nucléaire portée par le missile de supporter la chaleur générée par le retour dans l’atmosphère.

La trajectoire choisie pour le tir du Hwasong-18, qui a été fait en hauteur de manière à retomber dans l’eau près des côtes nord-coréennes plutôt que de survoler des pays ou de s’approcher des États-Unis, témoigne du fait que le régime ne veut pas pousser la provocation au point de risquer une réponse militaire américaine.

« Les deux camps connaissent désormais bien la routine. Tant que la Corée du Nord reste dans les limites habituelles, […] les risques de guerre sont très faibles même s’il y a des tensions persistantes », souligne M. Roy.

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Des chasseurs américains, sud-coréens et japonais survolent l’île sud-coréenne de Jeju-do, mercredi.

M. Collina note que les échanges musclés en cours n’aident en rien à faire avancer la recherche d’une solution négociée à la crise, qui ne peut passer, dit-il, que par la voie diplomatique.

« Il n’y a pas de solution militaire pour résoudre le problème », relève l’analyste, qui ne voit pour l’heure aucune ouverture à la discussion du côté de la Corée du Nord.

« Peut-être que Kim Jong-un veut pousser plus loin les avancées technologiques de son pays avant d’envisager un tel scénario », dit l’analyste de la Fondation Ploughshares.

Les États-Unis ont ouvert la porte à la tenue de discussions « sans condition préalable », mais continuent de réclamer le démantèlement du programme nucléaire nord-coréen alors que Pyongyang décrit ses capacités dans ce domaine comme « irréversibles ».

Washington et ses alliés aimeraient, dans les circonstances, imposer de nouvelles sanctions au pays, mais se heurtent au Conseil de sécurité au veto de la Russie et à celui de la Chine, qui souffle le chaud et le froid dans ce domaine.

« Lorsque les relations entre les États-Unis et la Chine vont bien, Pékin se montre coopératif pour contenir le régime. Si ça va mal, ils voient la Corée du Nord comme une zone tampon stratégique entre leur pays et la Corée du Sud et une façon de créer des ennuis pour les États-Unis », résume M. Collina.