Le magnat de la presse hongkongais Jimmy Lai, qui est détenu en confinement solitaire depuis plus de trois ans, risque la prison à vie à l’issue d’un procès « sans fondement » qui débute lundi dans l’ex-colonie britannique.

L’homme de 76 ans, fondateur et éditeur d’Apple Daily, populaire quotidien prodémocratie fermé en 2021, fait l’objet d’accusations de « collusion avec l’étranger » et de « sédition » découlant d’une loi sur la sécurité nationale adoptée sous l’impulsion de Pékin.

L’avocat canadien Brandon Silver, qui fait partie de l’équipe internationale de juristes assurant sa défense, a indiqué vendredi que les accusations n’avaient « aucun fondement » et visaient à faire « taire M. Lai et à stopper sa campagne » en faveur de la démocratie.

La loi sur la sécurité nationale, qui a été introduite pour tenter de mettre un terme à l’importante vague de manifestations prodémocratie qui secouait Hong Kong à la fin de la dernière décennie, a déjà été utilisée contre plusieurs journalistes.

Jimmy Lai était un critique bien en vue du régime communiste chinois avant d’être appréhendé en août 2020, et représente à ce titre une « sérieuse menace idéologique » pour le régime, note Maya Wang, qui est responsable de la Chine à Human Rights Watch.

Le fait que le journal était publié en langue chinoise et donc accessible à la population locale rendait la situation encore plus irritante pour Pékin, souligne la militante, qui décrit le procès à venir comme une sinistre « farce ».

Les accusations n’ont rien à voir avec les actions de M. Lai, qui n’a rien fait d’autre que d’exercer son droit à la liberté d’expression, note-t-elle.

État de santé inquiétant

Certains des avocats représentant Jimmy Lai ont indiqué avoir reçu des menaces de mort. Un journal pro-Pékin a par ailleurs publié plusieurs articles les accusant d’être « antichinois » et de vouloir « manipuler » le procès en tentant d’attirer l’attention de la communauté internationale.

La durée du confinement solitaire de M. Lai va par ailleurs à l’encontre des règles minimales des Nations unies pour le traitement des prisonniers.

Elles suggèrent de recourir au confinement solitaire seulement « en dernier recours » et pour « la plus courte période possible », note Mme Wang, en relevant qu’une détention de plus de deux semaines « pourrait constituer de la torture ».

M. Silver, qui est rattaché au Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, a indiqué vendredi que la famille du détenu s’inquiétait pour sa santé et l’impact potentiel des procédures à venir.

Nous avons peur qu’il ne survive pas au procès et à l’emprisonnement qui va suivre.

Brandon Silver, un des avocats assurant la défense de Jimmy Lai

Les avocats se sont rendus cette semaine à Ottawa pour plaider la cause du détenu devant les membres de la Chambre des communes, qui ont adopté jeudi une motion réclamant sa « libération immédiate ».

La motion, appuyée vendredi par le Sénat, a été saluée par Sebastien Lai, qui a remercié le Canada de soutenir son père et de « donner espoir de le voir libre ».

PHOTO I-HWA CHENG, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Sebastien Lai qualifie le procès à venir de son père de « théâtre ».

Dans une entrevue à l’agence Reuters vendredi, il s’est dit convaincu que l’issue du procès à venir était « décidée d’avance », même si les autorités hongkongaises et chinoises prétendent le contraire.

« Il n’y a pas vraiment lieu d’être anxieux par rapport à ce qui peut arriver au tribunal puisque c’est du théâtre complet », a noté le fils de Jimmy Lai, qui se dit fier de voir son père « tenir tête aux autorités pour défendre la liberté des autres ».

Médias prudents

La loi sur la sécurité nationale a eu un effet délétère sur la liberté de la presse dans l’ex-colonie et réduit comme peau de chagrin le nombre de médias indépendants.

Il y a encore de braves journalistes qui font leur travail ouvertement ou plus discrètement, mais ils doivent procéder avec prudence et il y a beaucoup d’autocensure. Ils marchent sur un fil de fer et savent qu’un mauvais choix de mot peut suffire à les précipiter en prison.

Maya Wang, Human Rights Watch

Elle espère que les pays occidentaux vont lever le ton pour favoriser la libération de Jimmy Lai et n’hésiteront pas dans le contexte à appliquer des sanctions contre les responsables hongkongais et chinois de violations des droits de la personne dans l’ex-colonie.

« Les gouvernements démocratiques doivent envoyer un message sans équivoque au gouvernement chinois pour faire comprendre que la répression vient avec un coût », souligne la représentante de Human Rights Watch.