Levée de boucliers face aux visées extraterritoriales de l’ex-colonie britannique

La volonté déclarée du gouvernement de Hong Kong d’utiliser la loi sur la sécurité nationale de manière extraterritoriale pour cibler des dissidents qui le critiquent de l’étranger suscite une levée de boucliers.

Mardi, une cinquantaine d’organisations de la société civile liées à l’ex-colonie britannique ont pressé les pays occidentaux accueillant les dissidents en question de renforcer les mesures en place pour les « protéger » et leur permettre de continuer leur campagne prodémocratie sans crainte de représailles.

L’appel faisait suite à une déclaration des autorités hongkongaises, qui ont annoncé la veille la production de mandats d’arrêt contre huit ressortissants de Hong Kong accusés de sédition pour des actions menées après leur départ en exil.

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Le surintendant en chef de la police de Hong Kong, Li Kwai-wah, lors du lancement des mandats d’arrêt, lundi

Le régime pro-Pékin a annoncé dans la foulée que toute information permettant leur arrestation mènerait à une récompense de 1 million de dollars hongkongais, soit près de 170 000 dollars canadiens.

Le chef de l’exécutif de l’ex-colonie, John Lee, a prévenu que les militants ciblés seraient poursuivis « jusqu’à la fin de leurs jours » et vivraient constamment dans la peur s’ils refusaient de se rendre.

Il a promis du même coup que leur comportement serait « surveillé », sans préciser comment il entendait procéder pour y parvenir.

Des mandats sans portée internationale

Robert Tibbo, un avocat canadien qui a longtemps pratiqué à Hong Kong avant de connaître des démêlés avec les autorités locales, note que les mandats d’arrêt annoncés n’ont pas en soi de portée sur le plan international.

« La plupart des pays vont les ignorer. Il existe cependant un risque d’extradition si les dissidents ciblés décident de voyager dans des pays entretenant des liens étroits avec la Chine, comme l’Iran ou le Cambodge », prévient le juriste.

Le véritable risque, pense-t-il, est que Hong Kong cherche à obtenir des informations critiques sur les déplacements des dissidents pour organiser des enlèvements à l’étranger, quitte à violer dans le processus la souveraineté territoriale d’autres États.

« Les dirigeants de Hong Kong et de la Chine ont bien montré qu’ils se préoccupaient peu de ce que les autres pays peuvent penser de leurs actions », note M. Tibbo.

Plusieurs États occidentaux ayant accueilli des dissidents de Hong Kong ont suspendu l’application des traités d’extradition qui les liaient à l’ex-colonie en 2020 lors de l’adoption de la loi sur la sécurité nationale.

C’est le cas notamment du Canada, qui avait décrit la loi comme une grave atteinte aux principes de la formule « un pays, deux systèmes » mis en place lors de la rétrocession de l’ex-colonie en 1997 pour protéger les libertés fondamentales de ses résidants.

Une interprétation « extrême » de la loi

La loi sur la sécurité nationale, qui promet de sévères peines d’emprisonnement pour des crimes mal définis, comme la sédition ou la collusion avec des forces étrangères, a été utilisée par les autorités pour étouffer la contestation populaire qui secouait Hong Kong.

La tentative d’application extraterritoriale annoncée en début de semaine a été vivement dénoncée par la Grande-Bretagne, qui y voit une manifestation de « l’autoritarisme » du régime chinois.

Les États-Unis ont dénoncé pour leur part un « dangereux précédent » qui menace « les libertés fondamentales de personnes partout dans le monde ».

Il n’a pas été possible mardi d’obtenir une réaction d’Affaires mondiales Canada.

Nathan Law, un ex-leader du mouvement prodémocratie de Hong Kong qui est réfugié en Grande-Bretagne, a souligné sur Twitter que les mandats d’arrêt reposaient sur une interprétation « extrême » de la loi et visaient à étouffer les voix dissidentes.

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Le dissident hongkongais Nathan Law, lors d’un rassemblement devant l’ambassade de Chine à Londres, mardi

« Nous ne devrions pas nous limiter, nous censurer, être intimidés ou vivre dans la peur », a-t-il souligné.

M. Tibbo, qui avait aidé le sonneur d’alarme Edward Snowden à se cacher et à fuir Hong Kong en 2013 après avoir divulgué des documents ultrasensibles sur les services de renseignement américains, note que cette censure est devenue la norme dans l’ex-colonie.

Nombre d’avocats défendant des dissidents ont été détenus ou forcés de partir en exil, souligne le ressortissant canadien, qui dit avoir fait l’objet d’une longue campagne de harcèlement de la part des autorités locales en raison de son soutien à Edward Snowden et aux réfugiés qui l’ont hébergé.

Des procédures disciplinaires basées sur des allégations anonymes sans fondement ont été ouvertes contre lui et l’ont poussé à renoncer définitivement à sa pratique sur place, relève l’avocat, qui pratique désormais le droit en Nouvelle-Écosse.

Les actions autoritaires du gouvernement de Hong Kong minent complètement les efforts de ses dirigeants pour assurer « sa légitimité internationale », note M. Tibbo.

« On s’approche du totalitarisme », conclut-il.