(Islamabad) L’ancien premier ministre pakistanais Imran Khan a été placé mercredi en détention provisoire pour une affaire de corruption, au lendemain de son arrestation qui a déclenché des émeutes ayant entraîné l’envoi de soldats dans plusieurs provinces.  

Imran Khan, qui espère revenir au pouvoir et fait pression sur le gouvernement pour qu’il organise des élections anticipées avant octobre, a été placé en détention provisoire pour une durée de huit jours, a déclaré mercredi un de ses avocats, Ali Bukhari, à l’issue d’une audience à huis clos.

L’ex-chef du gouvernement comparaissait pour une affaire de corruption devant un tribunal spécial convoqué au siège de la police.

Selon Sher Afzal Marwat, un avocat du Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), le parti de M. Khan, celui-ci est « de bonne humeur », mais a été frappé à l’arrière de la tête et à la jambe au moment de son arrestation mardi.

De violents heurts ont éclaté entre les partisans du PTI et la police à l’annonce de l’arrestation de l’ancien premier ministre.  

Au moins six personnes sont mortes dans des incidents liés aux manifestations, ont signalé mercredi la police et les hôpitaux.

Des soldats déployés

Le gouvernement a donné son feu vert à l’envoi de soldats dans trois provinces, dont celles de la capitale Islamabad et du Pendjab, la plus peuplée du Pakistan, où près de 1000 manifestants ont été arrêtés et 130 policiers blessés depuis le début des manifestations.

Des protestataires ont incendié la résidence du commandant militaire de Lahore (est) et ont bloqué les grilles d’entrée du quartier général de l’armée à Rawalpindi, près d’Islamabad.  

Dans un communiqué, l’armée a menacé d’une « forte réaction » ceux qui s’attaquent aux installations militaires et de l’État.

Dès mardi, les puissances occidentales ont appelé au respect des règles d’une démocratie apaisée.  

Mercredi, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a exhorté les autorités à « respecter » la procédure et l’État de droit dans les poursuites contre l’ex-chef du gouvernement, appelant « toutes les parties à s’abstenir de la violence » et à la désescalade.

Le même jour, les écoles ont été fermées dans tout le Pakistan et l’accès aux réseaux sociaux tels que Twitter et Facebook a été restreint par les autorités. À midi, les manifestants avaient bloqué certaines routes conduisant à la capitale.

« S’ils pensent que l’arrestation d’Imran Khan va nous démoraliser, ils se trompent lourdement », a affirmé l’un de ses partisans, Niaz Ali, à Peshawar (à l’ouest d’Islamabad), où plusieurs monuments et bâtiments gouvernementaux ont été incendiés. « Nous sommes aux côtés d’Imran Khan et nous le soutiendrons jusqu’à la mort », a-t-il ajouté.

« Affaire illégitime »

Imran Khan a été destitué en avril 2022, après avoir perdu le soutien de l’armée et le vote d’une motion de censure à son encontre.

L’ancien premier ministre, 70 ans, visé par plusieurs dizaines d’affaires judiciaires et dont les relations avec l’institution militaire n’ont fait que se dégrader, a depuis fait pression pour l’organisation d’élections anticipées avant la date limite d’octobre, dans l’espoir de revenir au pouvoir. En vain.

Imran Khan, nommé à la tête du gouvernement avec l’appui de l’armée en 2018 avant de se brouiller avec la hiérarchie militaire, a accusé ce week-end un officier supérieur d’avoir comploté pour l’assassiner en novembre au cours d’un rassemblement.

« Ces allégations fabriquées de toutes pièces et malveillantes sont extrêmement malheureuses, déplorables et inacceptables », a répondu lundi dans un communiqué l’armée, estimant que « cette propagande tapageuse » avait pour objectif de « promouvoir des objectifs politiques ».

Officiellement, cette agression est l’œuvre d’un tireur solitaire qui, selon une vidéo diffusée par la police, a avoué en être l’auteur et qui est incarcéré, mais cette théorie est rejetée par M. Khan, alors blessé par balle à une jambe.

Les critiques à l’encontre de l’armée sont rares au Pakistan, où ses chefs exercent une influence politique considérable. Elle a organisé au moins trois coups d’État depuis l’indépendance en 1947, régnant pendant plus de 30 ans.

« Mes [chers] Pakistanais, au moment où ces mots vous parviendront, j’aurai été arrêté dans le cadre d’une affaire illégitime », avait déclaré mardi M. Khan dans une vidéo préenregistrée, anticipant son arrestation.

Le ministre de la Justice, Azam Nazeer Tarar, a assuré pendant une conférence de presse qu’il n’y avait eu « aucune vendetta politique » autour de l’arrestation de M. Khan.

L’affaire qui a conduit à sa détention a été introduite par le National Accountability Bureau (NAB), le principal organisme pakistanais de lutte contre la corruption, qui a déclaré que l’ancien joueur de cricket avait ignoré des convocations répétées au tribunal.