(Hong Kong) Des étudiants de Hong Kong ont rendu symboliquement vendredi un hommage solennel à deux sculptures commémorant le mouvement prodémocratie de Tiananmen déboulonnées dans la nuit par deux universités de la ville, où Pékin imprime sa marque autoritaire.

Désireuses d’effacer les hommages à la répression sanglante du 4 juin 1989 à Pékin, les autorités avaient déjà fait retirer la veille de l’université de Hong Kong (HKU) une autre statue à la mémoire des victimes de Tiananmen.  

Hong Kong a longtemps été le seul endroit en Chine où la commémoration des évènements de Tiananmen était tolérée.  

Sur le campus de l’Université chinoise de Hong Kong (CUHK), la statue de la Déesse de la démocratie a été retirée avant l’aube, avant que quelques dizaines d’étudiants n’allument des bougies et posent des fleurs à la place.

PHOTO BERTHA WANG, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des fleurs ont été déposées sur les lieux où la statue la Déesse de la démocratie a été retirée.

Ceux qui se sont rassemblés, portaient des pancartes disant « Honte à CUHK » ou « Portée disparue : l’avez-vous vue ? ». Des chants commémorant le soulèvement de Tiananmen ont été repris dans un mégaphone.

Cette statue de Chen Weiming était une réplique de six mètres de haut de celle érigée par les étudiants manifestant sur la place Tiananmen en 1989 et un puissant symbole du mouvement prodémocratie à Hong Kong.

L’artiste, basé aux États-Unis, a exprimé auprès de l’AFP ses « regrets » et sa « colère ». « Ils agissent comme un voleur dans la nuit », a réagi M. Chen. « C’est le contraire d’être propre et honnête… Ils avaient peur d’être exposés et de subir un retour de bâton de la part des étudiants et des anciens élèves ».

« Honte »

PHOTO TYRONE SIU, REUTERS

Le sculpteur a assuré que son œuvre était un prêt et qu’il engagerait une action en justice si elle était endommagée. Il a dit envisager de demander son renvoi vers la Californie, où il dirige le Liberty Sculpture Park.

De son côté, l’université Lingnan a annoncé le retrait d’un bas-relief commémorant Tiananmen, œuvre du même artiste. Un mur avec la Déesse de la démocratie a aussi été repeint, avant que n’apparaissent sur le campus des prospectus portant le caractère chinois signifiant « honte ».

Deux jeunes femmes se disant anciennes étudiantes ont assuré à l’AFP être à l’origine de ces prospectus, expliquant être en colère après la décision de l’université.

« Ils effacent l’histoire. Je ne veux pas être obligée d’oublier », a expliqué une femme nommée Tsang, qui se dit originaire de Chine continentale.  

« La décision de l’université de Lingnan est une insulte à la protection des monuments historiques et à la liberté académique », a critiqué auprès de l’AFP un leader étudiant Eric Tong, tandis qu’une poignée d’étudiants déposaient des fleurs et des bougies à l’emplacement du bas-relief.

« Ce qui se passe ces jours-ci sur les campus de l’université est un condensé de la société hongkongaise », a commenté Eri Lai, ancien président des étudiants de la CUHK, aujourd’hui à l’université de Georgetown aux États-Unis, se disant triste mais pas surpris.

« Les piliers de la libre expression, la diversité et les opinions contraires ne sont plus tolérés par le gouvernement », a-t-il ajouté. À l’époque, raconte-t-il, la direction du campus ne voulait déjà pas de la statue, mais n’avait pas osé y toucher de peur d’être publiquement critiquée.

Pékin a imprimé sa marque autoritaire sur l’ancienne colonie britannique après les grandes et parfois violentes manifestations de 2019, avec notamment une draconienne loi de sécurité nationale.

Le syndicat étudiant de CUHK, connu pour son rôle actif dans le mouvement prodémocratie de Hong Kong, a été démantelé en octobre.

Pour Horace Cheung, vice-président du DAB, le plus grand parti prochinois de Hong Kong, ôter ces statues est au contraire souhaitable.

« De nombreux valets politiques ont manipulé les sentiments populistes et incité à la haine en utilisant la bannière de la démocratie et de la liberté. Aujourd’hui, les Hongkongais peuvent enfin respirer librement et retrouver une vie normale », a-t-il écrit.

D’autres statues ?

Au moins deux autres universités de Hong Kong abritent des statues de la Déesse de la démocratie et vendredi, l’université baptiste de Hong Kong en a enfermé l’une d’elles dans une pièce de rangement.

La direction a indiqué à l’AFP qu’elle « examinait régulièrement son environnement pour s’assurer que les pièces exposées étaient légales et sans problème de sécurité ».  

Dans une autre université, la City University de Hong Kong, la Déesse de la démocratie était toujours à sa place, mais le leader étudiant du campus a indiqué avoir été prévenu qu’elle serait retirée en application de la loi sur la sécurité nationale, selon les médiaux locaux.  

Avec cette loi, toute commémoration de Tiananmen est passible de poursuites.  

La veillée annuelle du 4 juin est interdite depuis 2020, officiellement pour des raisons sanitaires et de sécurité. Plusieurs de ses organisateurs ont été arrêtés et un musée relatant la répression du mouvement étudiant chinois de 1989 a été fermé.