(Séoul) Un Nord-Coréen est parvenu à atteindre le Sud en nageant pendant six heures pour contourner une des frontières les plus militarisées au monde, a annoncé mercredi un responsable sud-coréen, une audacieuse odyssée qui pointe aussi les carences de la surveillance de Séoul.

L’exploit a suscité un déluge de critiques au sein de l’opposition et des médias sud-coréens, effondrés de découvrir que le fugitif n’ait pas été repéré par les militaires sud-coréens, alors qu’il était apparu plusieurs fois sur des caméras de sécurité et que son passage avait même déclenché des alarmes.

Et lorsque sa présence a finalement été signalée, il a fallu trois heures pour arrêter cet homme, qui avait enfilé une combinaison de plongée et des palmes pour contourner la Zone démilitarisée (DMZ).

L’homme, âgé selon les médias d’une vingtaine d’années, a touché terre au nord de Goseong, une ville de la côte est.

« Il a vraisemblablement nagé pendant environ six heures, vêtu d’une veste matelassée sous sa combinaison de plongée et portant des palmes. Ses habits l’ont aidé à rester au chaud et à le maintenir à flot », a déclaré un responsable de l’état-major interarmes cité par l’agence sud-coréenne Yonhap, qui n’a pas précisé son nom.

Les courants de marée ont joué en sa faveur, a-t-il observé, et il a abandonné tout son équipement avant d’emprunter une canalisation d’évacuation d’eau passant sous les barbelés interdisant théoriquement l’accès de la mer en cette partie du littoral.

Pendant plus de trois heures, il est apparu huit fois sur les caméras de vidéosurveillance, et des alarmes sonores ont retenti deux fois. Mais les militaires chargés de surveiller la frontière ne l’ont pas remarqué.  

Quand la traque a été lancée, les soldats ont mis trois heures pour le découvrir, visiblement endormi.

Systèmes dépassés

Des responsables ont affirmé que cet homme, qui était vraisemblablement un civil, aurait exprimé le désir de faire défection.

L’armée a reconnu que les militaires « n’avaient pas respecté les procédures », et promis de renforcer les dispositifs de surveillance.

Lors d’une audition parlementaire, le ministre de la Défense Suh Wook a expliqué que les systèmes de surveillance dans ce secteur étaient « dépassés et fonctionnaient mal ».  

On estime à environ 30 000 le nombre de Nord-Coréens qui ont fui la répression et la pauvreté dans leur pays pour passer au Sud depuis la fin de la Guerre de Corée (1950-1953).

Mais ce chiffre est tombé à seulement 229 l’an passé, du fait de la stricte fermeture des frontières ordonnée par Pyongyang pour lutter contre le coronavirus.

L’immense majorité fait défection en franchissant dans un premier temps la frontière avec la Chine.

Les passages de la DMZ, une zone truffée de clôtures de barbelés et de champs de mines et patrouillée par des milliers de militaires, et de la frontière maritime sont rares.

Le dernier passage du genre connu remonte à novembre. Déjà des questions avaient été soulevées quant aux carences de la surveillance.

Le quotidien conservateur Chosun Ilbo a estimé mercredi que l’exploit du nageur était la preuve que l’armée sud-coréenne était « proche de l’effondrement ».

« Cette unité est-elle la seule qui ne fasse pas son travail correctement ? Nous ne croyons pas », a-t-il asséné dans un éditorial.