Hier matin, le pays de Gandhi a lancé sa deuxième sonde lunaire, Chandrayaan-2. Le premier ministre Narendra Modi a placé l’an dernier le programme spatial sous son autorité directe et a annoncé le premier astronaute indien pour 2022 et une station spatiale entre 2024 et 2026.

« Jour historique »

La sonde lunaire Chandrayaan-2 a entrepris hier son voyage vers la Lune. Avec la sonde à son bord, une fusée indienne GSLV-MkIII a décollé du pas de tir de Sriharikota, dans le sud-est de l’Inde, dans l’objectif de poser un atterrisseur et un robot lunaire près du pôle sud du satellite naturel de la Terre, autour du 6 septembre. « Je suis extrêmement heureux d’annoncer que le GSLV-MkIII a placé avec succès Chandrayaan-2 sur son orbite définie. […] Aujourd’hui [hier] est un jour historique pour l’espace, la science et la technologie en Inde », a déclaré le président de l’agence spatiale indienne ISRO, hier, une vingtaine de minutes après le décollage, qui devait à l’origine avoir lieu le 15 juillet.

PHOTO ARUN SANKAR, AGENCE FRANCE-PRESSE

De nombreuses personnes se sont déplacées pour assister au lancement de la sonde lunaire indienne, hier, à Sriharikota, en Inde.

Militarisation

« La Chine, rivale historique de l’Inde, a un programme clair de militarisation de l’espace, avec une capacité de détruire des satellites utilisés par les forces ennemies », explique Bharath Gopalaswamy, politologue du groupe de réflexion Atlantic Council à Washington qui a écrit plusieurs essais sur le programme spatial indien. « L’Inde ne peut se permettre d’être laissée pour compte sur le plan spatial. Alors les objectifs civils primordiaux, la navigation, les télécommunications et la gestion agricole, des sols et des catastrophes naturelles mènent naturellement à un renforcement de la posture stratégique indienne. » En 2007, la Chine a détruit avec un missile l’un de ses propres satellites, une mission qui a été jugée par plusieurs analystes occidentaux comme un test d’une tactique antisatellite militaire.

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La sonde Chandrayaan-2 s’est envolée hier vers la Lune à bord d’une fusée GSLV-MkIII, à Sriharikota, en Inde.

Développement

Le programme spatial indien se démarque par ses ambitions régionales, selon Ajey Lele, politologue à l’Institut pour les études et analyses sur la défense, groupe de réflexion gouvernemental de New Dehli. « On a un système GPS plus précis pour la région, qui utilise les capacités américaines et européennes, dit M. Lele. On met beaucoup d’efforts à améliorer la gestion des nombreux fleuves indiens, l’un des systèmes les plus complexes et les plus importants du monde pour ce qui est du nombre de personnes soutenues par ces eaux. Il faut remonter jusqu’aux glaciers de l’Himalaya. Les avancées de l’agriculture de précision ne seront pas possibles sans des satellites consacrés au pays. » Certains critiques dénoncent les missions lunaires – un astromobile (rover) sera lancé par l’orbiteur Chandrayaan-2 et commencera à se déplacer sur la Lune à partir de septembre. Qu’en pense M. Lele ? « Les missions humaines habitées planétaires ne représentent que 5 % du budget spatial indien. C’est une occasion pour le développement technologique. Par exemple, pour mettre des astronautes en orbite, il faudra augmenter la puissance du lancer existant. Peut-être même arrivera-t-on à avoir un SpaceX indien un jour, qui tirera profit des faibles coûts de main-d’œuvre scientifique. »

Coût réduit

L’agence spatiale indienne avait fait les manchettes en 2013-2014 avec une mission martienne qui n’avait coûté que 73 millions US, contre 720 millions US pour la mission Mars Reconnaissance Orbiter, lancée par la NASA en 2005. Le budget total du programme devant mener à un astronaute en orbite d’ici 2022 est de 1,4 milliard US. « C’est sûr que les sondes américaines ont plus de capacités, mais l’Inde a démontré qu’elle est capable de faire beaucoup avec peu, dit M. Lele, joint à New Delhi. La Russie avait dit qu’elle nous aiderait pour notre programme, mais finalement n’a pas pu le faire. Ça nous a obligés à trouver des solutions indiennes. On a pris le temps qu’il fallait pour arriver à des technologies robustes, mais simples. » Selon Bharath Gopalaswamy, de l’Atlantic Council, la clé du succès du programme indien est sa gestion directe par le bureau du premier ministre, qui assure une cohérence sur le plan budgétaire et de la planification. À titre de comparaison, la Chine a envoyé ses premiers taïkonautes dans l’espace en 2003, une station spatiale à un module en 2004 (une station à plusieurs modules devrait être entamée l’an prochain) et sa première sonde lunaire en 2007.

— Avec l’Agence France-Presse

Chronologie

1975 Lancement du premier satellite indien, sur une fusée soviétique

1979 Premier lancement de satellite par une fusée indienne

1988 Premier lancement de satellite géostationnaire par une fusée indienne

2004 Première mission du lanceur actuel du programme spatial indien

2008 Lancement de Chandrayaan-1, qui a été en orbite près d’un an autour de la Lune et y a lancé un impacteur pour en analyser le panache

2011 Lancement du premier satellite du réseau de positionnement régional indien (GPS) Gagan, opérationnel depuis 2014

2013 Lancement de Mangalyaan, un orbiteur martien qui scrute la planète rouge depuis 2014

Sources : ISRO, Space.com