(Panmunjom) Donald Trump a quitté Séoul dimanche soir à bord d’Air Force One, au terme d’une visite historique dans la péninsule coréenne qui l’a vu fouler le sol de la Corée du Nord et a été qualifiée d’« extraordinaire » par Pyongyang.

M. Trump devait regagner Washington après avoir rencontré dans la journée le numéro un nord-coréen Kim Jong-un dans la Zone démilitarisée entre les deux Corées.  

Cette rencontre a permis de réamorcer les discussions sur le programme nucléaire de Pyongyang, un peu plus d’un an après leur premier sommet de Singapour et l’échec de celui de Hanoï en février dernier.

Les deux hommes se sont retrouvés dans un cadre emblématique : la Zone démilitarisée (DMZ) qui sépare les deux Corées depuis la fin de la guerre (1950-53), lors de laquelle la Chine et les États-Unis se sont également affrontés.

Accompagné du numéro un nord-coréen vêtu de son traditionnel costume Mao anthracite, Donald Trump a franchi la ligne en béton qui matérialise la frontière, et a fait quelques pas en territoire nord-coréen, avant de faire demi-tour.

Les deux hommes ont ensuite posé pour les photographes derrière la ligne de démarcation du village de Panmunjom, où fut signé l’armistice de 1953.

« C’est un grand jour pour le monde », s’est félicité le président américain, se disant « fier d’avoir franchi cette ligne ».

Kim Jong-un a espéré « surmonter les obstacles » grâce à ses liens « merveilleux » avec M. Trump.

« Le fait que les deux pays, en dépit d’une longue relation d’hostilité, aient pu se serrer la main pour la paix à l’endroit qui symbolise la division […] démontre que le présent est meilleur que le passé », a observé Kim Jong-un.

« Extraordinaire »

KCNA, l’agence de presse officielle nord-coréenne, a qualifié la rencontre d’« historique » et « extraordinaire ». Elle a souligné que les deux leaders avaient décidé de « reprendre et poursuivre des discussions productives afin de parvenir à une nouvelle avancée dans la dénucléarisation de la péninsule coréenne ».

MM. Kim et Trump ont discuté, selon l’agence, de « questions d’intérêt mutuel qui étaient devenues des obstacles pour la résolution de ces problèmes ».

PHOTO KEVIN LAMARQUE, REUTERS

Kim Jong-un, Donald Trump et Moon Jae-in.

KCNA rapporte que M. Kim a loué « les bonnes relations personnelles » entre M. Trump et lui, ajoutant que ces bonnes relations « allaient produire des résultats que d’autres ne peuvent pas prédire et agir comme une force mystérieuse surmontant dans l’avenir des difficultés et obstacles multiples ».

Pour Shin Beom-chul, analyste à l’Institut asiatique d’études politiques, le commentaire de KCNA est « de la propagande nord-coréenne typique qui glorifie Kim ». Selon lui, « l’objectif était de rétablir l’image de Kim, endommagée lorsqu’il est revenu les mains vides du sommet de Hanoï ».

Des photos de la rencontre dans la DMZ couvraient lundi la une du quotidien officiel nord-coréen Rodong Sinmun, qui publiait en tout 35 photos de l’événement.

Donald Trump avait lancé samedi sur Twitter une invitation surprise à Kim Jong-un « juste pour lui serrer la main et lui dire bonjour ». « Ce sera très court mais ça ne fait rien. Une poignée de main signifie beaucoup », avait estimé le président américain.

Cette initiative intervenait peu avant une rencontre avec le président chinois Xi Jinping portant sur la guerre commerciale, en marge du sommet du G20 au Japon.

Après un entretien d’environ 45 minutes en territoire sud-coréen, M. Trump a raccompagné Kim Jong-un vers son pays, cette fois en compagnie du président sud-coréen Moon Jae-in.

Prenant la parole devant les journalistes, le président américain a annoncé qu’il avait invité M. Kim à se rendre aux États-Unis, mais sans préciser de date. « Cela se fera un jour ou l’autre », a-t-il simplement remarqué.

Reprise des négociations

À plus court terme, M. Trump a annoncé que des négociateurs des deux pays reprendraient leurs discussions « d’ici deux à trois semaines » à propos du programme nucléaire de Pyongyang.

La question de la dénucléarisation de la Corée du Nord continue de bloquer le processus de détente. L’administration Trump exige que Pyongyang renonce définitivement à son programme nucléaire avant d’envisager une levée des sanctions internationales, ce que le Nord refuse.

La rencontre de Panmunjom ne suffira probablement pas à régler le délicat dossier nucléaire nord-coréen, remarquent les analystes. Mais le symbole est important pour deux pays qui se menaçaient mutuellement d’annihilation il y a encore un an et demi.

La rencontre a « le potentiel de redémarrer les négociations », observe David Kim, analyste au Stimson Centre, un centre de réflexion de Washington, soulignant toutefois que les nouvelles discussions en préparation seront « cruciales ».

« Ce qu’il faut, c’est du contenu, pas du théâtre », selon l’analyste.  

En Corée du Sud, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a précisé que de premiers « échanges d’idées » entre les deux parties auraient lieu probablement à la mi-juillet.

A l’exception de George Bush père, tous les présidents américains ont effectué une visite chargée de symbole sur la DMZ. Donald Trump devait respecter à la tradition lors d’une première visite en Corée du Sud en 2017, mais le brouillard avait empêché son hélicoptère d’atterrir.

Accueil sceptique des démocrates américains

Plusieurs candidats à l’investiture démocrate pour la présidentielle américaine ont fait part de leur scepticisme dimanche après la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un, craignant une « séance photo » plutôt qu’une réelle avancée vers la dénucléarisation.  

« Je ne vois pas de problème à rencontrer Kim Jong-un en Corée du Nord ou ailleurs », a déclaré sur ABC le sénateur indépendant du Vermont, Bernie Sanders.

« Si nous pouvons nous débarrasser des armes nucléaires (nord-coréennes), ce sera une très bonne chose », a ajouté le candidat qui se revendique « socialiste ».

« Je ne veux pas que ce soit simplement une séance photo. Que va-t-il se passer demain et après-demain », s’est toutefois interrogé M. Sanders.

Il s’est aussi inquiété des « incohérences incroyables » du milliardaire républicain qui a « affaibli » la diplomatie américaine. « Nous devons avancer au niveau diplomatique, pas seulement faire des photos », a-t-il dit.

« Je pense que nous ne saurons pas si ça marche tant qu’il n’y a pas de résultats », a pour sa part affirmé sur CNN la sénatrice du Minnesota Amy Klobuchar, estimant ne pas voir de « chemin clair » pour la poursuite des négociations avec Pyongyang.

« Bien sûr, en tant que pays, nous voulons que ça marche », a-t-elle assuré.

Julian Castro s’est aussi dit sur CNN « toujours favorable à parler à nos adversaires, à ouvrir des canaux diplomatiques ». Mais il a critiqué l’approche « erratique et désordonnée » de Donald Trump dans ses discussions avec Kim Jong-un « qui ont échoué jusqu’ici ».

« Je ne suis pas sûr de savoir pourquoi ce président veut tellement promouvoir un dictateur comme Kim Jong-un quand (celui-ci) n’a pas tenu ses promesses faites » à Singapour, a expliqué l’ancien maire de San Antonio.

Cette rencontre de dernière minute dans la Zone démilitarisée qui sépare les deux Corées symbolise le caractère du locataire de la Maison-Blanche, selon M. Castro : « c’est du spectacle, de la symbolique, sans substance ».

Washington exige que Pyongyang renonce définitivement à son programme nucléaire, alors que le régime totalitaire réclame au préalable la levée des sanctions internationales dont il fait l’objet.