(Rio de Janeiro) Son gouvernement enfin en ordre de bataille, le président brésilien de gauche Lula entame dimanche un 3e mandat plein de défis : rassembler un pays fracturé, le ramener dans le concert des nations et lutter contre la pauvreté et la faim avec une économie en berne.

Une « tâche herculéenne » attend à la tête du grand pays émergent de 215 millions d’habitants Luiz Inacio Lula da Silva, a averti son vice-président Geraldo Alckmin.

D’après l’équipe de transition de Lula, quatre années de « gestion irresponsable » sous Jair Bolsonaro ont mis le Brésil dans un état lamentable : « situation de pénurie » et « retours en arrière » dans de nombreux secteurs – politiques sociales, éducation, santé, environnement.

Le gouvernement de Lula a été le plus long à former depuis 32 ans. Il a fallu des semaines d’épineuses tractations pour accommoder les alliés de gauche ayant permis son élection, mais aussi le centre dont il aura besoin du soutien au Congrès.

La Chambre et le Sénat issus des élections d’octobre sont encore plus à droite qu’avant, ce qui ne veut pas dire que le pragmatique Lula ne pourra pas gouverner, grâce à ses alliances de l’extrême gauche jusqu’au centre droit.

« Rendre le Brésil heureux »

Mais Lula prend la tête d’un pays coupé en deux où 58 millions d’électeurs n’ont pas voté pour lui. Deux mois après son élection, des bolsonaristes radicaux campent toujours devant les casernes et réclament une intervention militaire.

La victoire de celui qui veut « rendre le Brésil heureux de nouveau » fut étroite : 50,9 % des voix seulement, 49,1 % à son adversaire d’extrême droite.

Lula doit aussi pacifier les relations avec la Cour suprême, pilier de la démocratie violemment secoué par les attaques de Jair Bolsonaro. Avant même son entrée en fonction, le futur ministre de la Justice Flavio Dino a tendu la main à ses juges.

Les premières mesures de Lula porteront sur l’environnement, l’éducation et l’égalité ethnique, s’il suit les recommandations de son équipe de transition. Il devrait aussi restreindre la possession d’armes, qui a explosé sous Bolsonaro.

Au plan international, un Lula souvent populaire à l’étranger va devoir réconcilier le Brésil avec tous les pays heurtés par son prédécesseur.  

L’équipe de transition a fait le constat d’« une perte de prestige du Brésil » et Brasila doit près d’un milliard d’euros (1,45 milliard de dollars CAN) à diverses institutions internationales, dont l’ONU.

La communauté internationale attend de Lula des gestes rapides et forts sur le climat et l’environnement après les destructions de l’ère Bolsonaro, Amazonie en tête. Jeudi, il a nommé ministre de l’Environnement une personnalité à l’aura internationale, Marina Silva.

« Nous ferons tout ce qu’il faut pour parvenir à réduire à zéro la déforestation et la dégradation de nos écosystèmes d’ici à 2030 », promettait Lula en novembre devant la COP27.

Mais pour rétablir la crédibilité du Brésil, il va devoir remettre sur pied les organes de surveillance et lutter contre toutes les activités illégales, tout en ménageant le puissant lobby brésilien de l’agronégoce.

Défi budgétaire

Enfin, la situation économique et sociale va constituer un défi de taille pour Lula, dont la « priorité est de prendre soin des plus pauvres ».

L’approbation par le Congrès d’un amendement constitutionnel (PEC) qui va lui permettre de financer ses promesses de campagne au moins pour un an a été une bonne nouvelle.

Le versement de la populaire « Bolsa familia », (600 réais – 159 dollars CAN – par mois aux familles les plus pauvres) va échapper au plafonnement des dépenses publiques, et Lula pourra aussi augmenter le salaire minimum.  

Quelque 125 millions de Brésiliens souffrent d’insécurité alimentaire, et 30 millions de la faim.

Mais le PEC « ne va pas résoudre son plus grand défi des prochaines années, la question budgétaire », estime Joelson Sampaio, de la Fondation Getulio Vargas (FGV).

Lula va « augmenter les dépenses sans perspective de (hausse des) recettes équivalentes, tout en essayant de ne pas relever les impôts », dit M. Sampaio, alors que les marchés redoutent une explosion, sous ce gouvernement de gauche, d’une dette publique déjà à 77 % du PIB.

Pour Alex Agostini, chef économiste chez Austin Rating, « la nouvelle administration va devoir proposer un cadre de contrôle budgétaire efficace » afin d « éviter » une perte de confiance qui aurait un effet domino sur l’économie.  

« Un autre défi sera la poursuite de la baisse du chômage (8,3 %, au plus bas depuis 2015, NDLR) et le contrôle de l’inflation, dans un contexte de ralentissement de l’économie mondiale », note M. Agostini.  

Les préoccupations économiques avaient été la priorité des électeurs de l’ancien ouvrier métallurgiste.