(Brasilia) La « transition a commencé » entre le gouvernement de Jair Bolsonaro et celui que va former Lula, président désigné du Brésil, a annoncé Geraldo Alckmin, son vice-président chargé de coordonner le processus, qui semble avoir démarré du bon pied.

M. Alckmin a fait cette annonce après une rencontre avec les représentants du président d’extrême droite à Brasilia, tandis que s’essouflaient les mouvements de protestation dans le pays contre l’élection dimanche dernier de l’ex-chef d’État de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010).

« La conversation a été très profitable », a assuré M. Alckmin, ex-gouverneur de Sao Paulo, « la transition a déjà commencé ». « Elle se fait de la meilleure manière possible, au bénéfice de la population », a-t-il insisté lors d’un bref point de presse à Brasilia.  

M. Alckmin a rencontré le directeur de cabinet du chef d’État, Ciro Nogueira, au palais présidentiel du Planalto. Le représentant de Lula était accompagné de Gleisi Hoffmann, présidente du Parti des Travailleurs (PT) et du coordinateur du programme de gouvernement de la gauche, Aloizio Mercadante.

Lula ne doit être intronisé que le 1er janvier, et d’ici là les équipes qui se sont affrontées pendant des semaines lors d’une campagne électorale acharnée et souvent brutale doivent s’efforcer de préparer une passation de pouvoir le plus en douceur possible dans ce pays coupé en deux.

« Lula l’a dit clairement dans son discours (de victoire), notre tâche est d’unifier le Brésil, alors allons-y », a dit le vice-président désigné.  

M. Alckmin, un technocrate et ancien dirigeant du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB) de centre droit, a été choisi par Lula pour rassurer le centre et les milieux d’affaires.

Jair Bolsonaro, battu de peu, (49,1 % contre 50,9 %) est resté muré dans le silence deux jours avant d’autoriser cette transition en déclarant qu’il « respecterait la Constitution », mais sans reconnaître explicitement sa défaite ni féliciter Lula.

Ce dernier « prend quelques jours de repos mérité » jusqu’à dimanche, a dit M. Alckmin.

« C’est grave »

M. Alckmin a eu plus tôt jeudi une rencontre « productive » avec le rapporteur du budget au Sénat, Marcelo Castro, pour évoquer la compatibilité des promesses électorales de Lula avec un budget fédéral 2023 très contraint.

Il a par ailleurs condamné l’érection de barrages routiers par des bolsonaristes en colère dans tout le pays qui ont posé des problèmes d’approvisionnement depuis lundi.

« Il n’est pas possible d’empêcher les gens de circuler. C’est grave », a-t-il déclaré, « une chose est de manifester, une autre est d’empêcher les personnes d’aller et venir ».

Le président du Tribunal supérieur électoral (TSE) Alexandre de Moraes, a fustigé pour sa part les « actions antidémocratiques » de « ceux qui n’acceptent pas le résultat de l’élection et qui seront traités comme des criminels ».

Jeudi, le nombre des barrages routiers avait nettement baissé, après l’appel la veille au soir de Jair Bolsonaro à ses sympathisants, dans une vidéo diffusée sur Twitter.

La police fédérale de la route (PFR) n’en recensait plus que 32 en fin d’après-midi sur l’ensemble du territoire, contre 250 mardi au moment du pic. Elle a dispersé 862 manifestations.

« Je vous lance un appel : dégagez les routes. Cela ne me paraît pas faire partie des manifestations légitimes », a dit mercredi soir M. Bolsonaro.

« D’autres manifestations qui se sont déroulées dans tout le Brésil, dans d’autres endroits, font partie du jeu démocratique, elles sont les bienvenues », a-t-il toutefois ajouté. « Je suis avec vous et je suis sûr que vous êtes avec moi ».  

Des milliers de ses partisans se sont rassemblés mercredi devant des lieux de commandement militaire dans une douzaine de villes brésiliennes, dont Sao Paulo, Brasila et Rio, pour réclamer une intervention de l’armée à la suite de la défaite de leur chef de file.

« Dictature communiste »

À Rio de Janeiro, jeudi matin, il ne restait qu’une dizaine d’irréductibles devant une caserne militaire, dont certains avaient passé la nuit sous des tentes.  

« Je pense que nous allons avoir une dictature communiste » avec Lula, a raconté à l’AFP Jessica dos Santos Ferreira, 31 ans.  

« C’est un voleur, ce n’est pas un exemple pour mon fils de 11 ans », a ajouté cette entrepreneure noire, qui s’est dite prête à rester sur place jusqu’à l’intervention de l’armée.

Une vidéo vue plus de deux millions de fois sur des saluts apparemment nazis lors d’une manifestation dans l’État méridional de Santa Catarina faisait polémique jeudi, une enquête préliminaire du parquet ne voyant « pas de preuve » d’apologie du nazisme.