(Bogota) Le gouvernement colombien a rejeté mardi l’invasion de terres agricoles par des indigènes et des paysans, un phénomène en hausse ces derniers jours alors qu’une réforme agraire promise par le nouveau président de gauche Gustavo Petro suscite de nombreuses attentes dans le pays.

« Nous n’acceptons pas et nous rejetons, et nous demandons à ceux qui aujourd’hui envahissent violemment […] des terres privées dans tout le pays de s’abstenir » de cette pratique, a déclaré la vice-présidente Francia Marquez lors d’une conférence de presse.

Élu cet été premier président de gauche de l’histoire de la Colombie, M. Petro prévoit de mettre en œuvre une « réforme agraire » pour redistribuer la terre dans un pays où la propriété agraire se concentre entre les mains de quelques privilégiés.

L’accès à la terre est aussi au cœur du conflit qui ensanglante la Colombie depuis près de six décennies. Dans les années 1960, ce fut l’une des principaux carburants de la lutte armée lancée par plusieurs mouvements d’autodéfense paysans.

Les décennies suivantes, les paramilitaires d’extrême droite ont dépossédé par la violence des milliers de familles paysannes de leurs terres au profit de grands propriétaires terriens et d’éleveurs de bétails.

Dans l’attente de la réforme foncière promise par M. Petro, des indigènes ont multiplié ces dernières semaines les occupations et confiscations de terres par la force, principalement dans le Cauca (sud-ouest), l’un des départements les plus touchés par la violence des groupes armés et le narcotrafic.

La région accueille également d’immenses exploitations de canne à sucre, propriétés de grandes familles de Cali, où sont employés des travailleurs souvent issus de la communauté noire d’origine africaine. De vives tensions ont été observées dernièrement entre Autochtones et Afro-Colombiens sur les terres occupées.

« Nous confirmons qu’il y aura une réforme agraire pour rechercher l’équité dans l’accès à la terre, mais nous demandons aux Colombiens de respecter la propriété », a ajouté la ministre de l’Agriculture, Cecilia Lopez, au cours de la même conférence de presse.

Ces derniers mois, les éleveurs de bétail et les cultivateurs de canne à sucre ont été confrontés à des invasions « presque quotidiennes », s’alarmait en une ce mardi le quotidien El Tiempo.

Plus de 1000 hectares ont été illégalement occupés depuis début 2022, indique ce journal, qui relève que le phénomène s’est étendu à trois autres départements, Valle del Cauca, Huila et Cesar.

« Grands propriétaires, éleveurs de bétails et agriculteurs demandent au gouvernement d’être plus prudent dans les messages que le gouvernement envoie sur sa réforme agraire », écrit le quotidien.

Selon l’ONG Oxfam, 81 % des terres en Colombie sont concentrées sur 1 % de fermes.