« El Chapo » a versé à l'ex-président mexicain Enrique Pena Nieto des pots-de-vin totalisant quelque 100 millions de dollars, a affirmé mardi un ancien bras droit du narcotrafiquant mexicain en témoignant devant un tribunal à New York.

L'ancien chef de cabinet de l'ex-président mexicain, Francisco Guzman, a immédiatement démenti ces affirmations, les qualifiant sur Twitter de « fausses, diffamatoires et absurdes ». Il a aussi rappelé que c'était sous le gouvernement de M. Pena Nieto, au pouvoir de 2012 à 2018, qu'avait été « localisé, arrêté et extradé Joaquin Guzman ».

C'est la première fois depuis le début en novembre du procès de Joaquin Guzman, surnommé « El Chapo » (le courtaud), qu'un témoin implique directement celui qui a cédé sa place à la tête du Mexique le 30 novembre à Andres Manuel Lopez Obrador.

« M. Guzman a-t-il payé un pot-de-vin de 100 millions de dollars au président Pena Nieto ? », a demandé Jeffrey Lichtman, avocat de la défense, au témoin Alex Cifuentes.

« C'est cela », a répondu ce dernier, cité par plusieurs journalistes présents à l'audience, même s'il a dit ensuite ne pas être sûr du montant exact.

Alex Cifuentes, un narcotrafiquant colombien, collabore étroitement avec la justice américaine après avoir été de 2007 jusqu'à son arrestation en novembre 2013 un proche collaborateur d'El Chapo. Il a vécu avec lui dans les montagnes de l'État mexicain de Sinaloa de 2007 à 2009.

El Chapo, extradé aux États-Unis en janvier 2017, risque la perpétuité. Accusé d'avoir codirigé avec Ismael Zambada (actuellement en fuite) pendant vingt-cinq ans le cartel de Sinaloa, il plaide non coupable.  

Par ces pots-de-vin, « le message était que Guzman n'avait pas besoin de rester caché ? », a relancé l'avocat. Alex Cifuentes a répondu par l'affirmative, précisant que c'était ce que lui avait dit El Chapo.

M. Cifuentes confirmait ainsi publiquement un témoignage recueilli en janvier 2016 par les enquêteurs américains, auxquels il avait alors parlé de ces pots-de-vin.

Au début du procès, dans sa plaidoirie introductive alors que M. Pena Nieto était encore président, M. Lichtman avait soutenu qu'El Chapo avait servi de « bouc émissaire » à un gouvernement mexicain corrompu.

Vigoureux démentis

M. Lichtman avait alors accusé M. Pena Nieto et son prédécesseur Felipe Calderon (2006-2012) d'avoir reçu de l'argent du cartel de Sinaloa, mais tous deux avaient vigoureusement démenti ces accusations.

Alex Cifuentes avait déclaré en janvier 2016 aux enquêteurs que le président Pena Nieto avait initialement exigé 250 millions de dollars, mais qu'El Chapo avait abaissé ce montant à 100 millions, selon M. Lichtman. Le témoin a déclaré mardi ne plus se souvenir du montant initial.

Il avait également indiqué dans ses déclarations de janvier 2016, selon l'avocat, qu'une femme identifiée comme Comadre Maria avait remis la somme au président mexicain en octobre 2012. Le témoin a dit mardi ne pas s'en souvenir précisément.

Toujours selon M. Lichtman, s'appuyant sur des transcriptions d'interrogatoires en février 2016 de M. Cifuentes, le Colombien avait aussi révélé que le cartel Beltran Leyva - rival du cartel de Sinaloa dirigé par El Chapo - avait versé des pots-de-vin à M. Calderon (2006-2012) pour qu'il les protège d'El Chapo. M. Cifuentes a déclaré mardi ne pas avoir de souvenirs précis de cette affaire.

Jusqu'alors, le plus haut responsable mexicain accusé de corruption au procès d'El Chapo était Genaro García Luna, ex-ministre de la Sécurité, qui a catégoriquement rejeté ces affirmations faites devant le tribunal par Jesus Zambada, frère d'Ismaël Zambada.

L'accusation prévoit d'achever de citer des témoins le 23 janvier.

La présentation de la défense devrait être beaucoup plus rapide et le procès, initialement prévu pour durer quatre mois, pourrait se terminer plus rapidement.

Les autorités américaines affirment que, sous la direction d'El Chapo, le cartel a acheminé aux États-Unis plus de 154 tonnes de cocaïne entre 1989 et 2014, pour une valeur estimée à 14 milliards de dollars.