Cuba célébrait dimanche le dixième anniversaire de l'arrivée au pouvoir de Raul Castro, le frère de Fidel, père de la Révolution cubaine, une décennie marquée par des évolutions longtemps inimaginables sur l'île communiste : ouverture économique et rapprochement avec les États-Unis.

Le 31 juillet 2006, Fidel Castro délègue le pouvoir, pour raisons de santé, à son frère cadet Raul, ancien numéro 2 du régime et ministre de la Défense depuis 1959 et l'arrivée des «barbudos» sur l'île.

Officiellement désigné président en 2008, il a annoncé qu'il passerait la main en 2018, après avoir imposé la limite de deux mandats consécutifs. Miguel Diaz-Canel, numéro deux du régime, né en 1960, est appelé à succéder aux Castro.

Aussi discret que son aîné était volubile, Raul Castro, 85 ans, a fait entrer son pays dans une nouvelle ère, sans toutefois céder sur le champ politique.

À présent, les Cubains peuvent voyager plus facilement, choisir parmi de nombreux restaurants privés, se connecter à des bornes WiFi en extérieur - en payant -, vendre et acheter leur voiture ou leur maison, et voir flotter la bannière étoilée au-dessus de l'ambassade des États-Unis.

Depuis l'annonce-choc de leur rapprochement, fin 2014, les deux anciens ennemis de la Guerre froide sont parvenus à concrétiser quelques avancées : rétablissement d'un service postal direct, début du retour des hôteliers et croisiéristes américains à Cuba, et les liaisons aériennes régulières doivent être rétablies dans les prochains mois.

Cuba réclame toujours la levée de l'embargo imposé à l'île depuis 1962. Le président Barack Obama, qui a effectué une visite historique en mars à La Havane, a assoupli l'embargo, mais il a échoué à le faire lever par le Congrès, dominé par les républicains.

Yuri, 55 ans, fait partie de ces petits entrepreneurs privés qui ont pu, grâce à la timide ouverture économique de Raul, accroître leur pouvoir d'achat.

Ce professeur d'éducation physique «protège» son atelier de pneus à La Havane avec une affiche de l'actuel président.

Pays transformé

On peut y lire cette phrase du leader qu'il montre comme une amulette : «Ceux qui diabolisent (...) les travailleurs à leur compte ont choisi un chemin, qui en plus d'être mesquin, est risible. Cuba compte sur eux, c'est un des moteurs du développement futur».

Car ces «cuentapropistas» (travailleurs indépendants), qui sont environ 500 000, contre encore cinq millions de fonctionnaires pour 11,1 millions d'habitants, ne sont pas toujours épargnés par les critiques.

Né sous Fidel, à l'époque des expropriations et du rejet de l'entreprise privée, Yuri est parti travailler au Mexique, puis aux États-Unis. Cela fait près de trois ans qu'il est revenu sur l'île.

Il dit y avoir trouvé un pays transformé : «Je n'ai jamais pensé qu'il pourrait y avoir une ouverture, et ce n'est pas fini».

Le même poster peut être vu dans un restaurant ou dans une imprimerie.

Mais en dix ans, «de nombreux autres changements structurels auraient pu être faits. Les résultats sont très en dessous des attentes», déclare à l'AFP Pavel Vidal, un économiste cubain de l'université Javeriana en Colombie.

Cet expert cite, par exemple, le double système monétaire, qui fait cohabiter le peso cubain (CUP) et le peso cubain convertible (CUC), source d'inflation, et la trop modeste ouverture aux investissements étrangers.

D'autres experts critiquent les choix de Raul, pour les mêmes raisons que Fidel : la bureaucratie et le système du parti unique qui s'en prend aux dissidents.

Si le gouvernement cubain nie l'existence de prisonniers politiques sur l'île, selon le dernier recensement de la Commission cubaine des droits de l'homme (CCDH), Cuba compte 93 détenus «pour motifs politiques».

Malgré tout, des analystes comme Arturo Lopez-Levy, politologue d'origine cubaine de l'université du Texas, estiment que Raul Castro a contribué à améliorer «la qualité de vie» d'une partie des Cubains.

«Les plus conservateurs voulaient une réforme graduelle, contrôlée et limitée à l'économie, mais Raul Castro a également impulsé des changements politiques», assure-t-il à l'AFP, citant la réforme migratoire qui permet aux Cubains de voyager, «l'accroissement des libertés religieuses» et la décentralisation de l'appareil d'État.

Comme «personne à gauche ne pouvait le taxer d'être un partisan du capitalisme», Raul en a profité pour réaliser des «changements en direction des marchés», conclut-t-il.