Le début de l’année 2024 a été marqué par une nouvelle vague de féminicides au Kenya. Des milliers de personnes ont marché dans les rues de différentes villes du pays en février pour dénoncer les violences. En brandissant des pancartes : « Arrêtez de nous tuer ! » et « Dites leur nom ».

Ce qu’il faut savoir

Le nombre de féminicides comptabilisés en 2022 dans le monde a été le plus élevé en deux décennies.

Les pays du continent africain sont particulièrement touchés par cette violence.

Des militantes, au Kenya notamment, se mobilisent pour demander un changement.

« Nous avions connu une vague de féminicides en 2019 et nous avions organisé une marche, mais cette fois, nous nous sommes réunies en nous disant : les femmes se font tuer dans ce pays, sommes-nous suffisamment fâchées pour sortir dans la rue et en parler ? explique au téléphone Njeri Migwi, une militante kényane. Assez pour attirer l’attention sur ce problème et obtenir une politique législative sur cet enjeu en particulier ? »

Mme Migwi est directrice et cofondatrice d’Usikimiye – « ne restez pas silencieux », en kiswahili –, un organisme qui vient en aide aux victimes de violence fondée sur le genre.

Pour le seul mois de janvier, elle calcule qu’au moins 32 féminicides ont été commis dans son pays.

PHOTO NATALIA JIDOVANU, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Njeri Migwi, directrice d’Usikimiye, un organisme qui vient en aide aux victimes de violence fondée sur le genre au Kenya

Je crois que les violences fondées sur le genre devraient être déclarées une catastrophe nationale, et que des ressources devraient être allouées pour cette crise.

Njeri Migwi, directrice d’Usikimiye

Des politiciennes kényanes ont dénoncé les violences, mais le président William Ruto n’a pas encore pris la parole publiquement sur ce sujet.

Hausse dans le monde

Le Kenya est loin d’être le seul pays où le nombre de féminicides suscite l’inquiétude.

Le dernier rapport sur les féminicides produit par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) et ONU Femmes, basé sur les chiffres de l’année 2022, montre une augmentation du nombre de meurtres de femmes et de filles dans le monde. Près de 89 000 féminicides ont été répertoriés en un an, le chiffre le plus élevé en deux décennies. Une donnée qui pourrait être largement sous-estimée, ces crimes étant difficiles à comptabiliser.

PHOTO NATALIA JIDOVANU, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

En février dernier, des centaines de Kényans ont participé à une veillée à Nairobi pour briser le silence sur les violences faites aux femmes.

Même si la majorité des meurtres commis un peu partout visent des hommes et des garçons, les femmes et les filles sont plus touchées par la violence à l’intérieur du domicile.

« Alors que le nombre global d’homicides dans le monde a commencé à décliner après un pic en 2021, le nombre d’homicides de femmes ne diminue pas, peut-on lire dans le rapport, publié en novembre1. La plupart de ces meurtres de femmes et de filles sont liés au genre, et plus de la moitié de tous les homicides de femmes sont commis par des partenaires intimes ou d’autres membres de la famille. »

Continent

En nombre absolu, le nombre de victimes sur le continent africain a surpassé celui de l’Asie en 2022.

Des militantes se mobilisent pour demander des changements. En Algérie, par exemple, des militantes réclament l’abolition de clauses qui permettent à des agresseurs d’obtenir le pardon de leur victime dans des contextes de violence conjugale – ce qui arrête le processus judiciaire.

En Afrique du Sud, un nouveau projet de loi doit renforcer la législation existante en la matière.

PHOTO NARDUS ENGELBRECHT, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des manifestantes dénonçant la violence fondée sur le genre au Cap, en Afrique du Sud, en 2020

La violence fondée sur le genre et les féminicides ont été déclarés « crise nationale » dans ce pays lors d’un sommet en 2018 réunissant des représentants du gouvernement sud-africain et des membres du gouvernement. Le niveau de violence contre les femmes avait soulevé un mouvement de colère.

Afrique du Sud

Malgré tout, neuf femmes étaient tuées chaque jour dans ce pays en 2021-2022, en moyenne, selon les données du service de police sud-africain. Une légère augmentation par rapport aux chiffres de l’année précédente.

« C’est un pays très violent à la base », témoigne Sabrina Walter, qui a fondé l’organisme Women for Change en 2016 au Cap.

Elle salue les modifications dans les lois, mais constate des problèmes d’application au quotidien.

Notre système de police ne fonctionne pas, notre système de justice non plus, donc nous avons toutes ces super bonnes lois sur papier, mais ce qu’on voit sur le terrain, c’est autre chose ».

Sabrina Walter, fondatrice de Women for Change

Il reste difficile pour bien des femmes de dénoncer la violence conjugale et d’être prises au sérieux par les policiers. La corruption et le manque de connaissances des changements législatifs jouent aussi un rôle, souligne-t-elle.

Avec La Croix et The New York Times

Consultez le rapport sur les féminicides (en anglais)