(Nairobi) L’Éthiopie a annoncé dimanche avoir terminé le remplissage du Grand barrage de la renaissance qu’elle a construit sur le Nil, ravivant les tensions avec l’Égypte, qui a condamné une opération « unilatérale » et « illégale ».

Le Soudan, autre pays situé en aval de ce mégabarrage présenté comme le plus grand d’Afrique, n’avait pas réagi dimanche soir.  

Ces dernières années, Khartoum et Le Caire, qui voient le barrage comme une menace pour leur approvisionnement en eau, ont à plusieurs reprises demandé à l’Éthiopie de cesser le remplissage du réservoir du Grand barrage de la renaissance (Gerd), en attendant un accord tripartite sur ses modalités de fonctionnement.

Des négociations entre les trois pays, interrompues depuis avril 2021, avaient repris le 27 août dernier.

« C’est avec grand plaisir que j’annonce que le quatrième et dernier remplissage [d’eau] du barrage de la Renaissance a été réalisé avec succès », a déclaré dimanche le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed dans un message posté sur le réseau social X (ex-Twitter).

« Il y a eu beaucoup de défis, nous avons souvent été poussés à faire marche arrière. Nous avons eu un défi interne et des pressions extérieures. Nous avons atteint [ce stade] en faisant face avec Dieu », a-t-il ajouté.  

« Je crois que nous terminerons ce que nous avons prévu », a affirmé le dirigeant éthiopien.  

Le Bureau du premier ministre a ensuite posté plusieurs photos montrant Abiy Ahmed sur le site du barrage avec un message en anglais : « Notre persévérance nationale envers et contre tout a porté ses fruits ! »

Le ministère égyptien des Affaires étrangères a dénoncé cette opération.

Le « remplissage du réservoir du barrage de la Renaissance sans accord avec les deux pays en aval [Égypte et Soudan] est […] illégal », et « pèsera » sur les négociations entre les trois pays, a-t-il indiqué dans un communiqué.

Menace existentielle

Avec ce mégabarrage hydroélectrique (1,8 km de long, 145 mètres de haut) capable de générer à terme plus de 5000 mégawatts, l’Éthiopie entend doubler sa production d’électricité, à laquelle environ seulement la moitié de ses quelque 120 millions d’habitants ont actuellement accès.

Jugé vital par Addis Abeba, le Gerd, qui a coûté environ 3,5 milliards d’euros, est au cœur d’un conflit régional depuis que l’Éthiopie a commencé sa construction en 2011.

Longtemps dans l’impasse, des négociations entre l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan ont repris au Caire le 27 août, dans le but de parvenir à un accord « tenant compte des intérêts et des préoccupations des trois pays », avait affirmé le ministère égyptien de l’Eau et de l’Irrigation.

Quelques semaines plus tôt, mi-juillet, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et Abiy Ahmed s’étaient donné quatre mois pour parvenir à un accord sur le remplissage et l’exploitation du barrage, lors d’une rencontre en marge d’un sommet de dirigeants africains sur la guerre au Soudan.  

L’Égypte considère ce mégabarrage comme une menace existentielle, car elle dépend du Nil pour 97 % de ses besoins en eau.

La position de Khartoum a, elle, varié ces dernières années.

Après plusieurs mois de front commun avec l’Égypte en 2022, le dirigeant soudanais, le général Abdel Fattah al-Burhane, s’était dit en janvier dernier « d’accord sur tous les points » avec Abiy Ahmed à propos du Gerd.

Mais le Soudan est ravagé depuis mi-avril par un conflit meurtrier.

L’Éthiopie assure de son côté que son mégabarrage, situé dans le nord-ouest du pays à une trentaine de kilomètres de la frontière avec le Soudan, ne perturbera pas le débit du fleuve.