(Libreville) Le président de la transition au Gabon, le général Brice Oligui Nguema, a nommé jeudi premier ministre Raymond Ndong Sima, un économiste et virulent opposant au président Ali Bongo Ondimba, renversé par les militaires il y a une semaine.

M. Ndong Sima, 68 ans, avait été chef du gouvernement de M. Bongo de 2012 à 2014, mais s’était éloigné du pouvoir qu’il accusait depuis de mauvaise gouvernance, jusqu’à se présenter aux présidentielles de 2016 et 2023. Pour cette dernière, il s’était désisté au dernier moment au profit d’un candidat commun de l’opposition.

Le général Oligui, qui a mené le coup d’État du 30 août contre un Ali Bongo à peine proclamé réélu dans une élection « frauduleuse », a prêté serment lundi en tant que président d’une période de transition dont il n’a pas fixé la durée, et au terme de laquelle il promet de « rendre le pouvoir aux civils » par des élections.  

Lundi, il avait annoncé un prochain gouvernement de transition de personnalités de tous horizons politiques. Puis une nouvelle Constitution élaborée avec « toutes les forces vives de la Nation », soumise à référendum et « plus respectueuse de la démocratie et des droits humains ».

Quelques minutes après sa nomination, M. Ndong Sima a dit à l’AFP espérer soumettre au général Oligui « d’ici trois à quatre jours une proposition » de gouvernement.

« Toutes les familles politiques »

« Je vais essayer de travailler dans le sens de ce que les militaires ont décidé » pour « qu’on remette en ordre l’ensemble des institutions et notamment tout ce qui concerne le cadre des élections », a-t-il expliqué.

« Je veux consulter largement » et « sans précipitation » pour « que les gens appartenant à toutes les familles politiques se retrouvent » dans le gouvernement, a-t-il conclu.

Le premier ministre de la transition est natif de la province du Woleu-Ntem, berceau de l’ethnie fang majoritaire au Gabon, et l’un des fiefs historiques de l’opposition à la famille Bongo, qui dirigeait le pays depuis plus de 55 ans. Il est notamment diplômé d’économétrie à l’Université Paris-Dauphine de Paris.

Il y a trois jours, M. Ndong Sima avait déjà affirmé à l’AFP la nécessité « de discuter avec les militaires », recommandant toutefois que la transition n’excède pas « 24 mois ». Il se disait alors « intéressé par la prochaine présidentielle », à laquelle « les militaires ne doivent pas participer ».

Mardi, le général Oligui a annoncé que M. Bongo, jusqu’alors en résidence surveillée à Libreville, « était libre de ses mouvements » et, « compte tenu de son état de santé », de « se rendre à l’étranger » pour des contrôles médicaux. Le chef de l’État déchu a subi un grave AVC en 2018 dont il garde des séquelles physiques.

Le coup d’État a été mené sans effusion de sang, par des militaires putschistes unis derrière le général Oligui et les chefs de tous les corps de l’armée et de la police. Ils avaient rapidement suscité le ralliement de la quasi-totalité des partis de l’ancienne opposition, et d’une partie de l’ex-majorité, ainsi qu’un élan massif d’une population les remerciant de l’avoir « libérée » de 55 ans de « dynastie Bongo » au pouvoir.  

« Le gouvernement a passé son temps à piller le pays […] alors on salue ce coup d’État et on espère que le général Oligui et son gouvernement vont relancer l’appareil économique », s’enthousiasme Fabrice Ango, 49 ans, devant un kiosque à journaux de Libreville. « Tout se passe bien, par rapport à avant, les gens sont heureux […], ils se sentent libres », renchérit Jim Poussiengui, vendeur sur le marché populaire de Mont-Bouët.

« Moi, je voudrais d’abord que le nouveau gouvernement prenne soin de nos pères et de nos mères et nous donne aussi des métiers », souligne Waren Long, un vendeur de 26 ans à Mont-Bouët.  

Détournements « massifs »

Les militaires ont rapidement arrêté l’un des fils du président déchu, Noureddin Bongo Valentin, et six autres jeunes proches collaborateurs de M. Bongo ou de son épouse Sylvia, les montrant à la télévision à leurs domiciles au pied de malles, valises et sacs débordants de billets de banque pour l’équivalent de dizaines de millions d’euros.

Et, comme l’opposition depuis plusieurs années, les putschistes accusent l’ex-première dame et son fils Noureddin d’avoir été les « véritables dirigeants du pays » et de « détournements massifs » d’argent public, en manipulant un chef de l’État affaibli par son AVC. Sylvia Bongo est « détenue au secret », selon ses avocats.  

Ali Bongo avait été élu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait depuis plus de 41 ans ce petit État parmi les plus riches d’Afrique grâce à son pétrole, mais où un tiers des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.