(Niamey) Le Niger a fermé dimanche son espace aérien « face à la menace d’intervention qui se précise », peu avant la fin d’un ultimatum ouest-africain enjoignant les militaires ayant pris le pouvoir à Niamey à rétablir le président renversé Mohamed Bazoum sous peine d’usage de « la force ».

« Face à la menace d’intervention qui se précise à partir des pays voisins, l’espace aérien nigérien est fermé à compter de ce jour dimanche […] jusqu’à nouvel ordre », indique dimanche soir un communiqué du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP, qui a pris le pouvoir).

Le communiqué a été publié peu avant la fin de l’ultimatum – fixé le 30 juillet par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) aux militaires ayant pris le pouvoir pour rétablir dans ses fonctions le président Bazoum, sous peine d’une intervention armée – qui a expiré à minuit heure de Niamey (19 h heure de l’Est).

Le CNSP précise que « toute tentative de violation de l’espace aérien » entraînera « une riposte énergique et instantanée ».

Il affirme également qu’un « prédéploiement pour la préparation de l’intervention a été faite dans deux pays d’Afrique centrale », sans préciser lesquels. « Tout État impliqué sera considéré comme cobelligérant », ajoute-t-il.

Les frontières terrestres et aériennes du Niger avec cinq pays frontaliers avaient été réouvertes le 2 août, près d’une semaine après leur fermeture lors du coup d’État du 26 juillet ayant renversé Mohamed Bazoum.

Ces pays étaient l’Algérie, le Burkina Faso, la Libye, le Mali et le Tchad.

Dans l’après-midi, quelque 30 000 partisans du coup d’État dont beaucoup brandissaient des drapeaux du Niger, du Burkina Faso et de Russie, se sont livrés à une démonstration de force dans le plus grand stade du Niger à Niamey.

« À bas la France »

« Aujourd’hui c’est le jour de notre véritable indépendance ! », criait un jeune homme, la foule autour de lui lançant des « À bas la France, à bas la Cedeao ! », la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest qui a menacé d’intervenir militairement.

Des membres du CNSP sont arrivés triomphalement au stade dans un convoi de pick-ups, acclamés et entourés par une foule enfiévrée, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Le général Mohamed Toumba, numéro trois du CNSP, a pris la parole pour dénoncer ceux « qui sont tapis dans l’ombre » et qui « sont en train de manigancer la subversion » contre « la marche en avant du Niger ». « Nous sommes au courant de leur plan machiavélique », a-t-il dit.

Les contours de la force pour une possible intervention militaire ont été « définis » vendredi par les chefs d’état-major de la Cedeao.

Le coup d’État a été condamné par l’ensemble des partenaires occidentaux et africains du Niger, mais les militaires nigériens ont reçu le soutien de leurs homologues du Mali et du Burkina Faso – également arrivés au pouvoir par des putschs en 2020 et 2022 et eux aussi confrontés à la violence djihadiste – qui affirment qu’une intervention au Niger serait une « déclaration de guerre » à leurs deux pays.

Un vainqueur, les djihadistes

La perspective d’une intervention militaire ouest-africaine suscite inquiétudes et critiques.

Samedi les sénateurs du Nigeria, poids lourd de la Cedeao avec ses 215 millions d’habitants et qui partage une frontière de 1500 km avec le Niger, ont appelé le président Bola Tinubu à « renforcer l’option politique et diplomatique ».  

Samedi soir l’Algérie, acteur majeur dans le Sahel qui partage près de 1000 km de frontière avec le Niger, a également émis des réserves.  

Le président Abdelmadjid Tebboune a estimé à la télévision publique qu’une intervention serait « une menace directe » pour son pays. « Il n’y aura aucune solution sans nous » l’Algérie, a-t-il ajouté, craignant que « tout le Sahel s’embrase » en cas d’intervention.  

« Il faut empêcher le scénario catastrophique d’une guerre », a alerté de son côté un collectif de chercheurs, spécialistes du Sahel, dans une tribune publiée samedi soir dans le quotidien français Libération.  

« Une guerre de plus au Sahel n’aura qu’un vainqueur : les mouvements djihadistes qui depuis des années construisent leur expansion territoriale sur la faillite des États », écrivent-ils.

De nombreux résidants de la capitale Niamey – fief de l’opposition au président déchu – espéraient dimanche ne pas avoir à vivre une intervention militaire.  

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Des partisans de la junte au pouvoir au Niger, accompagnés de certaines forces de sécurité, montent la garde à un rond-point de Niamey, tôt le 6 août.

« Si la Cedeao intervient, ça va encore aggraver la situation. Mais les gens sont prêts et la population va soutenir les nouveaux dirigeants, parce que nous voulons du changement », assure Jackou, commerçant dans le textile.

La Cedeao et les pays occidentaux réclament un retour à l’ordre constitutionnel et la libération du président Bazoum, retenu prisonnier depuis le coup d’État.

« Nous condamnons la tentative de coup d’État au Niger qui constitue une grave menace pour la paix et la sécurité dans la sous-région », a déclaré dimanche soir le président ivoirien Alassane Ouattara.

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Rassemblement à Niamey, le 4 août

Il a jugé « essentiel » de « rétablir l’ordre constitutionnel » et de « permettre au président Bazoum démocratiquement élu d’exercer librement ses fonctions ».

Une position identique à celle de la France, ancienne puissance coloniale dans la région dont les relations avec les auteurs du coup d’État au Niger se sont dégradées ces derniers jours.

Les militaires ont dénoncé des accords de coopération militaire et sécuritaire avec Paris, qui déploie au Niger 1500 soldats pour la lutte antiterroriste, une mesure ignorée par Paris.