(Nairobi) Une délégation du gouvernement éthiopien s’est rendue lundi dans la capitale de la région rebelle du Tigré pour une première visite officielle depuis plus de deux ans, marquant une étape majeure dans le processus de paix lancé en novembre après un conflit meurtrier.

Ce groupe d’officiels de haut rang est venu « superviser l’application des principaux points de l’accord de paix » signé le 2 novembre à Pretoria entre les autorités dissidentes du Tigré et le gouvernement fédéral, a expliqué le service de communication gouvernemental.

Menée par le président de la Chambre des représentants Tagesse Chafo, la délégation comptait notamment le conseiller du premier ministre à la Sécurité nationale Redwan Hussein ainsi que plusieurs ministres (Justice, Transports et communications, Industrie, Travail).

Le directeur général de l’autorité responsable des routes et les PDG des entreprises Ethiopian Airlines, Ethio Telecom et Commercial Bank of Ethiopia, acteurs clés de la restauration de services de base dont le Tigré est privé depuis plus d’un an, étaient également du voyage.

Cette visite est, selon le gouvernement fédéral, « une preuve que l’accord de paix est sur la bonne voie et progresse ».

« C’est un grand chapitre », s’est félicité Tagesse Chafo : « Dans les discussions que nous avons eues, la réception que nous avons reçue et les moments que nous avons passés ensemble, il y a un grand espoir ».  

Le porte-parole des autorités tigréennes Getachew Reda a salué sur Twitter « une étape importante », avec des « discussions fructueuses » et « une compréhension importante ».

Arrivés à Mekele lundi matin, les officiels gouvernementaux et les dirigeants d’entreprises sont repartis en fin d’après-midi, a indiqué à l’AFP Getachew Reda. « Mais des équipes techniques restent ici », a-t-il précisé.

« Pas de demi-paix »

Gouvernement et rebelles tigréens ont signé le 2 novembre un accord mettant fin à la guerre qui a ravagé durant deux ans le nord de l’Éthiopie.

Ce texte prévoit notamment un désarmement des forces rebelles, le rétablissement de l’autorité fédérale au Tigré et la réouverture des accès et communications à cette région coupée du monde depuis mi-2021.

Les combats ont débuté en novembre 2020, quand le premier ministre Abiy Ahmed a envoyé l’armée arrêter les dirigeants du Tigré qui contestaient son autorité depuis des mois et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires fédérales.

Le bilan précis de ce conflit jalonné d’exactions, qui s’est déroulé largement à huis clos, est inconnu. Le centre de réflexion International Crisis Group et l’ONG Amnistie internationale l’ont décrit comme « un des plus meurtriers au monde ».

Depuis l’accord de Pretoria, les combats se sont arrêtés. Les rebelles ont affirmé avoir « désengagé » 65 % de leurs combattants des lignes de front.

Mais ils dénoncent des « atrocités » commises par l’armée érythréenne et les forces de la région éthiopienne de l’Amhara, qui ont épaulé l’armée fédérale dans le conflit. Les autorités tigréennes, ainsi que des habitants et des travailleurs humanitaires ayant témoigné auprès de l’AFP, les accusent de pillages, viols, exécutions et enlèvements de civils.

« Nous ne voulons pas d’une demi-paix, où une moitié [du Tigré] serait en paix et l’autre moitié tuée, massacrée et envahie », a déclaré lundi le chef du gouvernement tigréen Debretsion Gebremichael.

Les accès au Tigré étant restreints, il est impossible de vérifier de manière indépendante la situation sur le terrain.

« Siège » à lever

La ville de Mekele a été raccordée au réseau électrique national le 6 décembre, la principale banque du pays, la Commercial Bank of Ethiopia (CBE), a annoncé le 19 décembre la reprise de ses opérations dans certaines villes, et les communications téléphoniques avec la région ont commencé à être rétablies.

Mais Debretsion Gebremichael a estimé que « le siège [du Tigré] doit complètement être levé », évoquant un approvisionnement en médicaments encore « très limité » et un retour des télécommunications et des services bancaires largement incomplet.

Le président de la CBE, Abie Sano, a assuré que « des travaux de correction et d’audit du système doivent être terminés cette semaine afin que les services puissent reprendre ».

Sur le plan humanitaire, malgré une amplification des opérations, l’aide alimentaire et médicale acheminée reste très inférieure aux énormes besoins.

La guerre a déplacé plus de deux millions d’Éthiopiens et plongé des centaines de milliers de personnes dans des conditions proches de la famine, selon l’ONU.

Selon l’ONU, les deux ans de guerre ont rendu plus de 13,6 millions de personnes dépendantes de l’aide humanitaire dans le nord de l’Éthiopie (5,4 millions au Tigré, 7 millions en Amhara et 1,2 million en Afar).