(Kigali) Le Rwanda a assuré mercredi rester « pleinement engagé » dans son « partenariat » avec Londres malgré l’annulation la veille,  en raison de recours judiciaires, du premier vol censé amener à Kigali des migrants irréguliers expulsés du Royaume-Uni.

À plus de 6000 kilomètres de distance, les mots ont été les mêmes. « Nous ne sommes pas découragés par ces développements », a déclaré mercredi matin la porte-parole du gouvernement rwandais Yolande Makolo, en écho à la formule utilisée par la ministre britannique de l’Intérieur Priti Patel dans un communiqué quelques heures plus tôt.

« Le Rwanda reste pleinement engagé à œuvrer pour que ce partenariat fonctionne », a-t-elle assuré, affirmant que le pays d’Afrique de l’Est « se tient prêt à accueillir les migrants lorsqu’ils arriveront et à leur offrir sécurité et opportunités ».  

Le premier vol prévu dans le cadre de cet accord controversé devait décoller de Grande-Bretagne mardi soir, avant d’être annulé à la dernière minute après une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).  

Ce projet est depuis des semaines au centre de vives critiques, venant notamment de l’agence des Nations unies pour les réfugiés et d’organisations de défense des droits de l’homme, mais aussi des responsables de l’Église anglicane qui l’ont qualifié d’« immoral ».

Le gouvernement de Kigali, fréquemment accusé de violations des droits de l’homme, rejette avec force les critiques selon lesquelles le Rwanda ne serait pas un pays sûr pour les migrants.  

« Nous ne pensons pas qu’il soit immoral d’offrir un chez-soi aux gens », a déclaré Yolande Makolo lors d’une conférence de presse mardi, affirmant que le Rwanda était prêt à accueillir « des milliers » de migrants.

« Nous ne considérons pas le fait de vivre au Rwanda comme une punition », a-t-elle lancé, en rappelant que ce pays d’environ 13 millions d’habitants accueille déjà plus de 130 000 réfugiés de divers pays.

« Opportunité »

Cet accord, qui doit être financé par le Royaume-Uni à hauteur de 120 millions de livres sterling (140 millions d’euros), est également pour certains observateurs un moyen pour le Rwanda de détourner les critiques sur son bilan en matière de droits de l’homme et de liberté d’expression.

Dans les rues de la capitale rwandaise Kigali, on s’interrogeait mercredi sur l’avenir de ce projet que certains voient comme une « opportunité ».

« Nous avons déjà aidé d’autres personnes. J’ai entendu le ministre des Affaires étrangères dire que de l’argent sera donné au Rwanda pour accueillir ces réfugiés et qu’ils ont des compétences qu’ils pourront partager avec les Rwandais. C’est une opportunité pour nous », estime Zephanie Mgabonzima, étudiant.  

Pour Emmanuel Hakizimana, « le fait que ces migrants ne soient pas venus est une perte pour le pays et la population ».  Leur venue « nous aurait été bénéfique et nous aurions travaillé ensemble », estime cet homme d’affaires.

Le directeur du Hope Hostel, où les demandeurs d’asile devaient être hébergés à leur arrivée, a refusé de commenter l’annulation du vol.

D’autres habitants, comme le barbier Eric Danny Manzi, craignent que la réputation du Rwanda ne soit écornée par la confusion de ces derniers jours.

« Avoir une telle nouvelle de cette annulation à la dernière minute nous donne une mauvaise image. Maintenant, nous sommes désemparés parce qu’on ne pourra pas offrir les services que nous devions », a-t-il déclaré.  

L’ONG Amnistie internationale s’est, elle, félicitée de ces dernières péripéties.

« Les tentatives du gouvernement britannique de saper l’ensemble du système international de protection des réfugiés en transférant leurs responsabilités au Rwanda ont été contrecarrées », a tweeté la directrice régionale adjointe d’Amnistie pour l’Afrique de l’Est, Sarah Jackson.

Pour elle, « le pouvoir du peuple soutenu par un tribunal était plus fort que le peuple au pouvoir. »