(Paris) Le militant politique égypto-palestinien Ramy Shaath est arrivé samedi à Paris, visiblement soulagé après plus de 900 jours de détention en Égypte. Mais sa famille s’insurge qu’il ait été contraint de renoncer à sa nationalité égyptienne pour obtenir sa libération.

« C’est énorme. Je suis très heureux d’être ici », a-t-il lancé en anglais quelques minutes après être sorti de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, le bras levé tout en tenant la main de son épouse, la Française Céline Lebrun, qui avait elle-même été expulsée d’Égypte au moment de son arrestation.

« J’ai passé les deux dernières années et demi entre des prisons, des lieux de disparition forcée, certains sous terre, d’autres à l’isolement, d’autres encore où j’étais avec énormément de monde soumis à un traitement particulièrement inhumain », a-t-il raconté.

Ramy Shaath a été libéré « dans la soirée du [jeudi] 6 janvier, après plus de 900 jours de détention arbitraire », a écrit sa famille dans un communiqué. Les autorités égyptiennes l’ont ensuite remis à un représentant de l’Autorité palestinienne à l’aéroport du Caire, d’où il a pris un avion pour Amman. Il a atterri en France samedi après-midi.

Disant partager le « soulagement » de l’épouse de Ramy Shaath, le président français Emmanuel Macron a salué, sur Twitter, « la décision des autorités égyptiennes » et dit « merci à tous ceux qui ont joué un rôle positif dans cette heureuse issue ».

« Depuis plus de deux ans, les autorités françaises ont été pleinement mobilisées auprès des autorités égyptiennes afin que la situation de M. Shaath puisse trouver une issue positive », a de son côté commenté le ministre des Affaires étrangères français dans un communiqué.

Ramy Shaath, 48 ans, est une figure de la révolution égyptienne de 2011 et le coordinateur en Égypte du mouvement Boycottage, désinvestissement, sanctions (BDS, prônant le boycottage d’Israël dans la lutte contre l’occupation des Territoires palestiniens). Il était détenu depuis juillet 2019 pour avoir voulu fomenter des « troubles contre l’État ».

« Ils m’ont accusé de beaucoup de choses et ils m’ont dit un jour : “Vous êtes accusé de faire partie d’une organisation terroriste”. Et j’ai demandé au gars : “Quelle était l’organisation terroriste ?” Il a dit : “Eh bien, nous n’allons pas vous le dire” », a-t-il ironisé, moquant la légèreté des charges pesant contre lui.

Après « deux ans et demi de détention injuste dans des conditions inhumaines », sa famille regrette que les autorités égyptiennes l’aient « contraint » à « renoncer à sa citoyenneté égyptienne comme condition préalable à sa libération ». « Personne ne devrait avoir à choisir entre sa liberté et sa citoyenneté », a-t-elle déploré dans le communiqué.

60 000 détenus d’opinion

En décembre, cinq organisations de défense des droits humains avaient interpellé le président français Emmanuel Macron sur le sort de ce militant, fils du dirigeant politique palestinien Nabil Shaath.

Un an plus tôt, au cours d’une visite à Paris du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi le 7 décembre 2020, M. Macron avait affirmé s’être entretenu avec lui de « cas individuels », dont celui de Ramy Shaath.

L’Égypte compte plus de 60 000 détenus d’opinion, selon des ONG. Les États-Unis estiment que le pays viole les droits humains dans tous les domaines et ont en conséquence gelé 10 % de leur aide.

La libération de Ramy Shaath ne met pas fin à « la nécessité d’une action internationale contre le bilan catastrophique du gouvernement égyptien en matière de droits humains », estiment dans un communiqué onze ONG, dont Amnistie internationale et la Fédération internationale des droits de l’Homme.

Un autre prisonnier a été libéré samedi, après plus de deux ans de détention préventive. Il s’agit de Ramy Kamel, militant copte des droits humains, qui s’est fait connaître lors de la révolte populaire de 2011 qui a balayé le président Hosni Mobarak.

Ramy Kamel a été arrêté le 23 novembre 2019 sur des accusations d’appartenance à un groupe terroriste. « Ramy est parmi les siens… c’est la fête ! », s’est réjouie sa sœur Bossi sur sa page Facebook.  

Parmi les « innombrables prisonniers » encore « arbitrairement détenus » en Égypte figurent beaucoup de « militants pacifiques, défenseurs des droits humains, avocats, universitaires et journalistes détenus uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association », ont listé ces organisations, appelant Le Caire à libérer ces opposants.

Un autre militant égyptien des droits humains, le chercheur Patrick Zaki, a été libéré en décembre après 22 mois de détention mais encourt toujours jusqu’à cinq ans de prison pour « fausses informations » à cause d’un article dénonçant les discriminations contre les chrétiens.

Questionné sur son engagement, Ramy Shaath a expliqué n’avoir pas évolué « deux ans et demi [de prison] plus tard ». « Je suis toujours aussi déterminé à continuer. »