(Johannesburg) Dernier président blanc d’Afrique du Sud et libérateur de Nelson Mandela, Frederik De Klerk, qui a mis fin au régime raciste de l’apartheid, mais dont les déclarations publiques ces dernières années ont terni l’image auprès des Sud-Africains, est mort jeudi à 85 ans.  

L’ancien président est mort « paisiblement ce matin à son domicile », en banlieue du Cap, a annoncé sa fondation, dans un communiqué en anglais et en afrikaans.  

En mars, il avait annoncé lutter contre un cancer, le jour de son 85e anniversaire.

Le 2 février 1990, le chef d’État conservateur et apparatchik du Parti national qui a mis en place le système d’apartheid à partir de 1948, déclare contre toute attente au Parlement : « L’heure des négociations est venue ».  

Ce pragmatique, qui avait senti la nécessité du changement, annonce aussi la libération de Nelson Mandela, leader du Congrès national africain (ANC) en prison depuis 27 ans, et la levée de l’interdiction des partis antiapartheid. Le pays entre dans la transition démocratique.

Les premières réactions à sa mort ont un peu tardé, l’héritage de la figure de la fin de l’apartheid étant à la fois « important » et « inégal », comme l’a subtilement décrit la fondation Nelson Mandela.  

Soulignant la « volonté d’agir » de F.W. De Klerk, le révérend Desmond Tutu, dernière grande icône de la lutte, a rappelé jeudi le regret, partagé par beaucoup, qu’il n’ait jamais présenté d’excuses complètes pour les crimes de l’apartheid.  

Excuses posthumes par vidéo

La figure controversée a attendu sa mort pour ça. « Je présente mes excuses, sans réserve, pour la douleur, la souffrance, l’indignité et les dommages que l’apartheid a infligés aux noirs, bruns et Indiens d’Afrique du Sud », déclare-t-il dans un message vidéo posthume diffusé par sa fondation dans l’après-midi.

D’une voix éraillée teintée d’un fort accent afrikaans, le vieux monsieur au regard bleu soutenu a évoqué une expérience proche de la « conversion » dans les années 1980, quand il comprit que « l’apartheid était une erreur » et « moralement injustifiable ».

« M. De Klerk a joué un rôle essentiel dans notre transition vers la démocratie » a salué simplement le président Cyril Ramaphosa.  

Il a « changé le cours de l’histoire », a affirmé le premier ministre britannique Boris Johnson, saluant « le réalisme dont il a fait preuve en faisant ce qui était manifestement juste ».

Héritage contrasté

De Klerk, issu d’une famille ultraconservatrice, devient ministre alors que le pays est en pleine tourmente : les émeutes de Soweto sont réprimées dans le sang en 1976.

Il succède en 1989 à Pieter Botha à la tête du pays. Les sanctions internationales contre l’Afrique du Sud se sont intensifiées, la contestation à l’intérieur du pays ne cesse de monter : le conservateur doit conduire des réformes, il annonce la fin du régime blanc.  

« Il semblait être la quintessence de l’homme d’appareil […] Rien dans son passé ne semblait indiquer l’ombre d’un esprit de réforme », a écrit dans son autobiographie Nelson Mandela, qui devient le premier président sud-africain noir en 1994.  

Les deux hommes reçoivent conjointement le prix Nobel en 1993, pour le « miracle » de la transition démocratique.  

Vingt ans plus tard, F.W. De Klerk estimait que sa décision avait permis d’éviter « une catastrophe », sortant les Blancs de leur « isolement et de leur culpabilité » et permettant aux Noirs d’accéder à « la dignité et à l’égalité ».

En 1996, De Klerk avait démissionné du poste de vice-président de Mandela, reprochant à la nouvelle constitution de ne pas assurer le partage du pouvoir avec les blancs.  L’année suivante, il se retire de la vie politique et s’installe dans sa ferme avec sa nouvelle épouse, Elita.

En 2020, il avait déclenché une vive polémique en niant que l’apartheid ait été un crime contre l’humanité, avant de se rétracter et de présenter des excuses. Le président Ramaphosa avait alors jugé que les propos de M. De Klerk « relevaient à (son) sens de la trahison ».