(Maputo) On les disait à court d’armes, d’argent et de nourriture. En 48 heures, une bonne centaine de djihadistes ont pris la ville de Palma, dans le nord du Mozambique, tenant en échec l’armée, la police et les bataillons de sécurité privée.

Leur tactique : la dissimulation, puis la surprise.  

Tuer « des chrétiens »

Le groupe État islamique (EI) affirme contrôler la ville de Palma et a revendiqué l’attaque.

Il précise aussi qu’elle a visé « des casernes militaires et des quartiers généraux du gouvernement », annonçant la mort de dizaines de militaires mozambicains « et de chrétiens, dont des ressortissants d’États croisés ».

Selon le gouvernement mozambicain dimanche soir, l’attaque d’ampleur à Palma s’est traduite par des dizaines de morts et au moins une centaine de personnes sont toujours portées disparues.

L’attaque revendiquée lundi par le groupe État islamique (EI) a démarré mercredi après-midi. Mais selon plusieurs sources et témoins, des rebelles s’étaient infiltrés incognito dans la ville portuaire plusieurs jours avant.

Contre de l’argent, ils s’installent dans les maisons de cette province riche en gaz, mais pauvre et à majorité musulmane.  

Mercredi, ils sont prêts. Une attaque simultanée en plusieurs endroits est lancée à la périphérie de la ville. Même méthode qu’en août, lors de la prise du port de Mocimboa da Praia, à 50  km au sud, premier grand coup d’éclat pour ces groupes armés, pas si organisés il y a encore peu.  

Les forces de sécurité se ruent en direction de ces trois points chauds, laissant le cœur de la ville vulnérable.

Les assaillants déjà infiltrés s’attaquent alors aux banques, aux postes de police… Dans la ville de 75 000 habitants, il y a de quoi se ravitailler en argent et nourriture.

Ici vivent des employés de toutes nationalités, qui travaillent pour le compte de compagnies internationales. Le site piloté par la multinationale française Total, un mégaprojet gazier de plusieurs milliards de dollars sur la péninsule d’Afungi, n’est qu’à dix kilomètres.  

« Où sont les cochons ? »

Les rebelles s’assurent d’abord qu’il n’y a pas de forces armées dans les parages. « Où sont les cochons ? Y’a des “cassava” ici ? », demandent-ils en entrant dans les maisons, faisant référence en swahili aux forces de sécurité qui soutiennent l’armée dans la lutte contre les djihadistes.

Le jour même, un bateau chargé de nourriture pour les milliers de personnes déplacées, qui ont déjà fui les violences dans d’autres parties de la région, arrive au port.  

Une partie du ravitaillement était aussi destinée aux commerces du coin.  

Depuis plusieurs mois, Palma s’est transformé en cul-de-sac. Avec les trois routes menant à la ville coupées en raison de l’insécurité, l’approvisionnement est compliqué. Les prix des biens de première nécessité ont flambé.

Les assaillants arrivent avec des camions, emportent tout.  

Entretemps, environ 200 personnes fuyant l’attaque se réfugient dans un des principaux hébergements de la ville, l’hôtel Amarula, en direction de l’aéroport.  

Lourdement armés, les assaillants empêchent plusieurs tentatives d’évacuation par hélicoptères.  

Après 48 heures d’enfer, une tentative désespérée de fuite vendredi soir, par un convoi de camions, tourne au drame : au moins sept personnes sont tuées, plus d’une soixantaine sont toujours disparues.  

Officiellement, des dizaines de personnes sont mortes au cours des quatre derniers jours. Sans doute bien plus, car ce bilan ne reflète pas la violence racontée à l’AFP par des survivants choqués, qui ne livrent l’histoire que par bribes une fois réfugiés en lieu sûr, parfois à de centaines de km de là.

Aux mains des rebelles dont l’objectif, partout où ils passent, est de frapper les esprits en exerçant une violence spectaculaire, avec des viols et des décapitations, Palma est désormais une ville fantôme, avec des morts dans ses rues.