L'ancien président Jose Eduardo dos Santos a fait samedi ses adieux à la vie politique angolaise qu'il a écrasée de sa présence pendant près de quarante ans en cédant les rênes du parti au pouvoir à son successeur à la tête du pays José Lourenço.

Revêtu de la chemise rouge du parti, M. dos Santos a tiré sa révérence de « camarade numéro 1 » devant quelque 2500 délégués du Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) réunis en congrès extraordinaire à Luanda.

« Aujourd'hui, la tête haute et avec la conviction d'avoir rempli mon rôle, je passe le relais de la direction du parti à son futur président Joao Lourenço », a-t-il déclaré.

« Le MPLA a obtenu l'indépendance, maintenu l'intégrité de notre territoire, assuré la conquête de la paix, la réconciliation nationale, la lutte pour la justice sociale et la modernisation de notre pays », a énuméré l'ancien maître de pays en guise de testament.

« Il n'existe aucune activité humaine épargnée par les erreurs, j'assume celles que j'ai faites », a-t-il concédé.

Ancien rebelle marxiste, José Eduardo dos Santos, 76 ans, a régné d'une main de fer sur l'Angola de 1979 à 2017.

Malade, il n'a pas sollicité l'an dernier le renouvellement de son mandat aux élections et cédé la tête du pays à son ex-ministre de la Défense Lourenço. Mais il avait gardé les rênes du tout-puissant MPLA, au pouvoir depuis l'indépendance en 1975.

Sans surprise, les délégués du parti ont élu samedi pour lui succéder Joao Lourenço, seul candidat, avec plus de 98% des voix.

Ce passage officiel de témoin vient conclure une année politique tumultueuse. « Le relais entre lui et Lourenço a été chaotique et conflictuel », a résumé pour l'AFP l'analyste Alex Vines, du centre de réflexion britannique Chatham House.

Tensions

En choisissant pour dauphin un cacique de son régime, M. dos Santos pensait pouvoir couler une retraite paisible.

Ses proches contrôlaient les secteurs stratégiques de l'économie, comme la compagnie pétrolière nationale confiée à sa milliardaire de fille Isabel. Et ses fidèles dirigeaient l'armée et la police.

Mais, à la surprise générale, celui qui était présenté comme le « docile » Joao Lourenço s'est vite affranchi de l'autorité de son prédécesseur en s'attaquant de front à son empire.

Au nom de la relance d'une économie en crise et de la lutte contre la corruption, il a débarqué Isabel dos Santos de la direction de la Sonangol et son demi-frère Jose Filomeno, dit Zenu, de celle du fonds souverain du pays.

En quelques mois, la plupart des proches du clan dos Santos ont été méthodiquement écartés de la tête des institutions, des entreprises publiques et du parti.

Ce grand ménage a vivement irrité l'ancien président. « Les changements sont nécessaires mais ne devraient pas être aussi radicaux », avait lancé M. dos Santos en décembre dernier.

En coulisses, leur bras de fer s'est prolongé jusqu'au dernier jour.

M. dos Santos aurait volontiers joué les prolongations à la présidence du MPLA jusqu'en avril 2019, mais M. Lourenço le lui a refusé en fixant d'autorité son départ à samedi.

« Ennemi numéro 1 »

Sitôt investi à la tête du parti, le chef de l'État a répété devant ses militants son intention d'éradiquer la corruption, sans craindre d'égratigner publiquement son prédécesseur.

« Nous ne construirons un avenir meilleur qu'en corrigeant ce qui ne va pas », a-t-il dit. « Nos maux sont la corruption, le népotisme, la flatterie et l'impunité qui ont régné ces dernières années dans notre pays et fait tant de mal à notre économie ».

M. Lourenço a ensuite longuement fustigé, sans les nommer, « ceux qui se sont enrichis facilement, illicitement et donc de façon injustifiable aux dépens (...) de tous les Angolais ».

« Ces maux sont notre ennemi numéro 1, nous avons le devoir de les combattre et de les vaincre », a-t-il conclu.

Le chef de l'État et du parti a aussi répété sa volonté de s'atteler à concrétiser le « miracle économique » qu'il promet depuis des mois à la population angolaise.

Chômage endémique, croissance en berne, déficits inquiétants, le deuxième producteur pétrolier d'Afrique subsaharienne ne s'est toujours pas remis de la chute en 2014 des prix du baril.

Depuis son élection, JLo, ainsi qu'il est surnommé, a multiplié les réformes, notamment dans le secteur pétrolier, et fait feu de tout bois pour séduire les investisseurs étrangers.

Sa tâche reste immense d'ici aux élections générales de 2022, mais il dispose maintenant de tous les leviers pour y parvenir.

« Il contrôle désormais le parti et l'État. Espérons que le pouvoir ne fasse pas de lui un nouveau Jose Eduardo dos Santos », a tweeté Zenaida Machado, de l'ONG Human Rights Watch (HRW).