Léon Mugesera est « gravement malade », selon ses proches. L'ancien résidant de Québec, emprisonné depuis son renvoi au Rwanda par le Canada, n'aurait d'ailleurs pas été autorisé à voir un médecin depuis plus d'un an et demi.

L'état de santé de Léon Mugesera « se détériore de jour en jour », affirme sa femme Gemma Uwamariya, qui vit toujours au Québec.

Il serait même devenu aphone, affirmait-il dans une lettre manuscrite transmise lundi à son avocat rwandais, Jean-Félix Rudakemwa, et que La Presse a pu consulter.

« Il est inutile de me téléphoner, car j'ai perdu l'usage de la parole », écrivait-il, demandant par le fait même à son avocat de reporter « sine die » leur rencontre prévue jeudi.

Après avoir reçu la lettre de son client, Me Rudakemwa a voulu lui rendre visite pour s'enquérir de son état de santé, en vain.

« Les autorités carcérales m'ont carrément refusé accès, sous prétexte qu'il était trop tard, alors que c'était toujours dans les heures de service », a-t-il affirmé dans un courriel à La Presse.

« C'est la première fois que son avocat se fait refuser l'accès à la prison », s'inquiète le professeur David Pavot, directeur du Bureau d'assistance juridique internationale de l'Université de Sherbrooke, qui fait partie du conseil de défense de Léon Mugesera. « Ça cache quelque chose. »

Léon Mugesera est incarcéré depuis son renvoi au Rwanda par le Canada, en janvier 2012, à la suite d'une longue bataille judiciaire.

D'abord détenu à Kigali, il a été transféré à la prison internationale de Mpanga, à une centaine de kilomètres de la capitale, quelque temps avant sa condamnation à la prison à perpétuité pour incitation au génocide, en avril 2016, au terme d'un procès critiqué par différents experts du droit international.

« Les autres prisonniers ont leurs rendez-vous médicaux » et ceux à qui un régime alimentaire particulier est prescrit y ont droit, « mais pas lui », s'insurge David Pavot, qui se questionne sur les motivations des autorités rwandaises.

Contactés par La Presse, le ministère rwandais de la Justice et celui des Affaires étrangères n'ont pas réagi.

Soins refusés

« Ça fait un petit bout qu'il me disait qu'il ne se sentait pas bien », raconte Gemma Uwamariya.

Léon Mugesera souffrirait d'hypotension et serait atteint de cataractes aux deux yeux avec un risque de cécité.

Malgré ses demandes répétées, « il n'a pas vu un seul médecin depuis qu'il est à Mpanga », il y a plus d'un an et demi, s'insurge sa femme.

« Je suis consternée, il n'y a pas de mot », dit Gemme Uwamariya, femme de Léon Mugesera.

Elle affirme même qu'un infirmier de la prison aurait refusé de donner à son mari des cachets pour le mal de tête en lui assénant : « toi, tu vas crever ici ».

Le moral de Léon Mugesera serait également au plus bas ; dans la lettre qu'il a fait parvenir à son avocat, lundi, l'homme demande que ses proches prient en sa faveur en disant « un rosaire pour [lui] chaque jour ».

Léon Mugesera « n'a plus le contrôle de l'éclairage dans sa cellule » depuis quelque temps, ajoute David Pavot, si bien que « la lumière reste parfois allumée toute la nuit ».

Kigali rabrouée au tribunal

La dégradation de l'état de santé de Léon Mugesera survient deux mois après que la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples ait rabroué Kigali à son sujet.

Dans une décision rendue à la fin de septembre, la Cour avait sommé Kigali de « s'abstenir de toute action » pouvant nuire à la santé de Léon Mugesera, ainsi que de lui permettre d'avoir accès à ses avocats et de communiquer avec sa famille « sans entrave ».

Kigali n'a pas donné suite à l'ordonnance de la Cour, déplore Me Rudakemwa.

« L'absence de suivi » de la part du Canada dans ce dossier est également dénoncée par le professeur David Pavot.

« Il serait temps que le gouvernement canadien s'inquiète de la condition d'une personne qu'il a renvoyée en clamant haut et fort qu'elle serait bien traitée, a-t-il déclaré à La Presse, ce qui n'est manifestement pas le cas. »

Le cabinet de la ministre des Affaires étrangères du Canada, Chrystia Freeland, n'a pas répondu aux questions de La Presse.