La communauté internationale a appelé mercredi le parti présidentiel au Burundi à respecter l'accord d'Arusha qui a mis fin à la guerre civile dans ce pays et garantit «la paix et la stabilité» grâce à un délicat équilibre au sein des institutions entre majorité hutu et minorité tutsi.

Dans un texte commun, les hauts représentants de l'ONU, de l'Union africaine (UA), de l'Union européenne (UE), des États-Unis et de la Belgique, ancienne puissance coloniale du Burundi, s'inquiètent de la suppression par l'Assemblée nationale d'une disposition de son règlement intérieur garantissant l'équilibre ethnique au sein du Bureau de la Chambre basse.

Cette décision «montre une volonté troublante de la part du parti au pouvoir (le CNDD-FDD) d'abroger un des fondements fondamentaux de paix et de stabilité, qui ont permis au Burundi de sortir de la longue guerre civile», ayant fait 300 000 morts entre 1993 et 2006, soulignent ces diplomates.

Ils appellent «toutes les parties à renouveler leur engagement à respecter l'Accord d'Arusha et ses dispositions sur le partage du pouvoir» entre Hutu (85% de la population) et Tutsi (15%).

Signé en 2000 à l'issue de longues négociations, l'accord d'Arusha a ouvert la voie à la fin de la guerre entre l'armée burundaise alors dominée par la minorité tutsi et des rébellions hutu. Il consacre un subtil équilibre ethnique, repris dans la Constitution, au sein des institutions politiques, mais aussi des forces de sécurité.

L'annonce fin avril de la candidature de M. Nkurunziza à un 3e mandat, qui selon l'opposition, la société civile, l'Église catholique et une partie de son propre camp viole la Constitution et l'accord d'Arusha, a plongé le Burundi dans une grave crise politique émaillée de violences ayant fait une centaine de morts.

Les adversaires de M. Nkurunziza - issus des deux ethnies - lui prêtent l'intention de modifier la Constitution pour abolir les quotas ethniques. Héritier de la plus importante rébellion hutu du pays, le CNDD-FDD n'a jamais caché, au nom de la «démocratie», son hostilité à ces quotas qui assurent à la minorité tutsi une surreprésentation dans les institutions.

«Le gouvernement burundais ne peut se permettre de continuer à suivre une voie entachée par l'instabilité, la division, une détérioration gravissime de l'économie et une crise humanitaire», estiment les diplomates, dénonçant «l'actuelle impasse politique».

«Après des mois de violence et un processus électoral controversé, le gouvernement burundais peut commencer à restaurer sa crédibilité en s'engageant dans un dialogue politique ouvert à tous, avec les partis politiques - dont l'opposition et les frondeurs du CNDD-FDD - et la société civile», poursuivent-ils.

Les autorités ont maté en mai une tentative de coup d'État militaire et ont étouffé par une brutale répression six semaines de manifestations, essentiellement concentrées à Bujumbura.

Mais, malgré la réélection de M. Nkurunziza le 21 juillet lors d'une présidentielle quasi unanimement jugée non crédible au niveau international, la violence s'intensifie avec des attaques nocturnes contre la police et des assassinats ciblés à Bujumbura, laissant craindre que le pays ne replonge dans la guerre civile.

Ce dialogue, «pour être crédible et efficace devra s'attaquer aux questions fondamentales telles que le respect des droits de l'Homme, la liberté de la presse et autres libertés fondamentales, ainsi que la nécessité d'une gouvernance améliorée et plus ouverte».

Selon ses adversaires et la communauté internationale, le camp présidentiel entretient un climat de peur et d'intimidation. Les médias privés sont réduits au silence depuis la tentative de coup d'État et la plupart des journalistes, opposants et militants des droits de l'Homme sont en exil ou vivent cachés.