Ouagadougou a connu un mercredi calme, sans débordements ni échauffourées, mais se prépare à un jeudi agité, les députés devant voter le très controversé projet de révision constitutionnelle permettant le maintien au pouvoir du président Blaise Compaoré.

Alors que des centaines de milliers de Burkinabè, avaient arpenté les rues de la capitale la veille, un million selon l'opposition, le mot d'ordre de «grève générale» annoncé pour mercredi a été faiblement suivi.

Les services publics et certaines grosses entreprises ont certes tournée au ralenti, faute de personnel.

Mais la marche du jour n'a rassemblé que quelques milliers de personnes, dans un ville retrouvant sa normalité: commerces ouverts, routes et trottoirs mieux garnis, certes moins que d'habitude.

Mardi, Ouagadougou semblait morte, surtout pendant les violences ayant opposé plusieurs centaines de jeunes, munis de barres de fer et de pierres, aux forces de l'ordre, qui avaient fini par les évacuer. De premières échauffourées s'étaient produites dans la nuit de lundi à mardi.

Les affrontements ont fait au total cinq blessés, selon Ablassé Ouédraogo, ancien ministre de Blaise Compaoré devenu opposant.

Pour éviter cela, un important cordon policier encadrait la marche de mercredi, rythmée par le slogan «Libérez Kosyam» - le palais présidentiel -, et qui s'est achevée dans le calme.

L'examen jeudi par l'Assemblée du projet de loi  visant à réformer la Constitution, pour faire passer de deux à trois le nombre maximum de quinquennats présidentiels, pourrait se révéler bien plus explosif.

Ce changement permettrait à M. Compaoré, arrivé aux affaires par un putsch et qui devait achever l'an prochain son dernier mandat, après deux septennats (1992-2005) et deux quinquennats (2005-2015), de concourir à nouveau à la présidentielle.

Pour justifier une telle révision, ses partisans invoquent le respect de la loi et de la volonté du peuple.

Mais l'opposition craint que ce changement de la Loi fondamentale, qui ne devrait pas être rétroactif, conduise le chef de l'État, déjà élu quatre fois avec des scores soviétiques, à accomplir non pas un mais trois mandats supplémentaires, lui garantissant 15 années de plus au pouvoir.

Ses ténors, depuis quelques jours, appellent donc le peuple à «marcher sur l'Assemblée» afin d'empêcher le vote.

«Printemps noir» 

«Le 30 octobre, c'est le printemps noir au Burkina Faso, à l'image du printemps arabe», a lancé Emile Pargui Paré, candidat aux présidentielles de 2005 et 2010, et cadre d'un influent parti d'opposition.

«Nous marcherons sur l'Assemblée», a-t-il affirmé à l'AFP, comparant la journée à venir à la «prise de la Bastille».

Empêcher le vote s'annonce toutefois compliqué. Depuis mardi soir, une centaine de policiers quadrillaient l'avenue de l'Indépendance, autour de laquelle ministères, ambassades et surtout le Parlement sont disséminés.

Des centaines de militaires les ont rejoints mercredi pour sécuriser le quartier. Des véhicules armés ont été postés pour dissuader d'éventuels manifestants.

Les députés de la majorité dormiront en outre sous haute protection cette nuit dans un hôtel voisin de l'Assemblée nationale, a-t-on appris de sources concordantes.

L'établissement est désormais gardé par des éléments du régiment de la sécurité présidentielle, un corps d'élite, en tenue de combat, a constaté un journaliste de l'AFP, qui a croisé une vingtaine de parlementaires proches du pouvoir mercredi après-midi dans cet hôtel.

La survenue de violences, au vu des moyens employés par le pouvoir, semble dépendre de l'ampleur de la victoire de la majorité au Parlement.

Lors de l'annonce de la révision constitutionnelle le 21 octobre, le gouvernement avait insisté sur «la convocation d'un référendum», nécessitant un vote au Parlement à majorité simple, que détiennent les seuls députés du parti présidentiel.

Mais avec le ralliement samedi de la troisième force politique à l'Assemblée, le pouvoir pourrait disposer du nombre de parlementaires nécessaire - trois quarts de l'hémicycle, soit 96 sièges sur 127 - pour entériner directement la loi, sans passer par un référendum.

Un tel mode de révision ferait de nombreux mécontents au sein de la jeunesse. Quelque 60% des 17 millions d'habitants ont moins de 25 ans et n'ont jamais connu d'autre dirigeant que M. Compaoré.

L'actualité burkinabè sera très suivie sur le continent africain, alors qu'au moins quatre chefs d'État, en froid avec leur Constitution, préparent ou envisagent des révisions similaires pour se maintenir au pouvoir, au Congo Brazzaville, au Burundi, en République démocratique du Congo et au Bénin.