Les belligérants du conflit au Soudan du Sud ont continué de s'affronter lundi pour le contrôle de Bentiu, capitale de l'État pétrolifère d'Unité, provoquant de nouvelles menaces de sanctions et de «graves conséquences» lancées par le secrétaire d'État américain John Kerry.

«Nous combattons dans et autour de Bentiu pour en reprendre le contrôle», a déclaré lundi à l'AFP le colonel Philip Aguer, porte-parole de l'armée sud-soudanaise, les rebelles «résistent mais nous avons le dessus».

L'armée sud-soudanaise a lancé samedi une offensive et est entrée dimanche dans Bentiu, dont s'étaient emparée mi-avril les troupes rebelles menées par l'ancien vice-président Riek Machar, limogé en juillet 2013 par le président Salva Kiir.

Cette offensive a été lancée au lendemain de la visite de M. Kerry à Juba, où il avait menacé MM. Kiir et Machar de sanctions ciblées - interdiction de visa et gels d'actifs -, les enjoignant à enfin respecter le cessez-le feu signé le 23 janvier et qu'aucun des deux camps n'a jamais appliqué.

Dans un communiqué publié lundi, M. Kerry a dit condamner «dans les termes les plus forts» les offensives de l'armée sud-soudanaise à Nassir et Bentiu qui «violent ouvertement» le cessez-le-feu.

«Les deux parties doivent résoudre leurs différends à la table des négociations et non à travers des actions militaires», a-t-il ajouté, précisant que le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, qui était lundi à Abou Dhabi, se rendrait mardi à Juba.

M. Kerry avait obtenu de MM. Kiir et Machar un accord de principe pour des discussions directes entre eux.

«Je le dis clairement: si l'une ou l'autre des parties refuse de tenir la moindre de ses promesses, (...) il n'y aura peut-être pas seulement des sanctions, mais également de graves conséquences», a lancé lundi le chef de la diplomatie américaine avant de quitter l'Angola, dernière étape de sa tournée africaine.

Interrogé sur lesdites «conséquences», M. Kerry est resté vague: «La communauté internationale demande des comptes pour les atrocités, il y a des sanctions, il y a (...) les troupes de maintien de la paix, il y a plusieurs possibilités.»

«Les parties doivent reconnaître qu'elles ont signé un accord de cessation des hostilités. Et la communauté internationale est prête à prendre des mesures pour s'assurer que cela soit respecté, en envoyant des troupes supplémentaires», a-t-il poursuivi.

Le président américain Barack Obama a récemment signé un décret autorisant des sanctions contre quiconque menacerait la paix au Soudan du Sud, indépendant depuis juillet 2011 seulement, à l'issue de plus de deux décennies de conflit entre 1983 et 2005 entre Khartoum et une rébellion sudiste, dont MM. Kiir et Machar étaient de hauts dirigeants.

Washington fut le soutien indéfectible de cette rébellion, désormais au pouvoir à Juba, et le parrain de l'indépendance du Soudan du Sud, menacé d'un génocide et d'une famine, selon M. Kerry et l'ONU.

Bentiu a changé plusieurs fois de mains depuis le début du conflit, déclenché mi-décembre entre troupes fidèles au président Kiir et celles loyales à M. Machar, en raison de rivalités entre les deux hommes au sommet du régime sud-soudanais.

Rivalité politique et vieux antagonismes entre Dinka et Nuer 

Cette rivalité politique exacerbe de vieux antagonismes entre peuples dinka et nuer dont sont respectivement issus MM. Kiir et Machar, et les combats s'accompagnent de massacres de civils sur des critères ethniques, imputables aux deux camps.

Les rebelles ont été accusés d'avoir massacré des centaines de civils sur des bases ethniques lorsqu'ils ont pris Bentiu.

Dimanche, l'armée sud-soudanaise s'était emparée de la localité de Nasir, le quartier-général des rebelles situé près de la frontière éthiopienne.

Malgré les combats, les autorités sud-soudanaises ont répété lundi être attachées aux pourparlers de paix en cours à Addis Abeba, destinés à trouver une solution politique durable au conflit au Soudan du Sud, qui jusqu'ici n'ont péniblement accouché le 23 janvier que du cessez-le-feu mort-né.

«Bien sûr, le président (Kiir) continue de vouloir rencontrer face-à-face le chef rebelle (Riek Machar) afin qu'ils s'assoient ensemble et ramènent la paix dans le pays», a déclaré lundi à l'AFP le porte-parole du ministère sud-soudanais des Affaires étrangères, Mayen Makol.

Selon l'armée sud-soudanaise, M. Machar est désormais terré en brousse, après avoir dû fuir Nasir. Le camp de M. Machar n'a pu être contacté depuis samedi.

Des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes ont déjà péri dans les combats et des massacres qui ont  également chassé plus d'un million de Sud-Soudanais de chez eux. Plus de 78 000 civils, craignant d'être massacrés, sont terrés dans des conditions épouvantables, dans les bases de l'ONU dans le pays.