Il résiste à l'armée du Nigeria avec une endurance étonnante. Il poursuit une stratégie aussi obscure qu'inquiétante, et a encore démontré sa force, la semaine dernière, en orchestrant une série d'attaques particulièrement audacieuses. Boko Haram, un groupe islamique radical qui sème la terreur au Nigeria depuis plus d'une décennie, sombre de plus en plus profondément dans la violence. Qui freinera l'organisation? Tour d'horizon en quatre questions.

Q: Que signifient les attaques de la semaine dernière?



«Le but était clairement d'envoyer un message: Boko Haram existe encore et est toujours une menace», répond Ej Hogendoorn, directeur du programme pour l'Afrique pour International Crisis Group.

Avec quatre attaques en trois jours, le groupe a frappé fort.

La plus meurtrière a fait au moins 75 morts et 140 blessés dans un terminus d'autobus de la capitale, Abuja. C'est la première fois en deux ans que Boko Haram frappe la capitale, située loin de ses bastions du nord du pays.

Presque simultanément, des hommes en tenue militaire ont orchestré un kidnapping spectaculaire dans une école de jeunes filles.

Les autorités ont d'abord affirmé que 28 jeunes filles avaient réussi à s'échapper et que 85 d'entre elles étaient prisonnières. Mais hier, des parents ont dévoilé une liste qui compte plutôt 230 noms. Selon eux, 43 jeunes filles se sont échappées et 187 sont disparues.

Boko Haram, qui veut dire «l'éducation occidentale est un péché», s'attaque régulièrement à des écoles.

«Ils ont surtout besoin du soutien logistique que des jeunes filles peuvent apporter - la cuisine, le ménage. Et il y a évidemment l'aspect sexuel, qui fait partie intégrante des groupes qui s'adonnent au pillage», ajoute Robert Rotberg, associé au Centre for International Governance Innovation (CIGI).



Q: Que cherche Boko Haram?



Officiellement, le groupe veut instaurer un État islamique basé sur la charia dans le nord du Nigeria.

«À mon avis, le pillage et l'accaparement de biens matériels semblent être devenus leurs motifs principaux», dit toutefois Robert Rotberg, du CIGI.

Boko Haram est dirigé par Abubakar Shekau, l'un des hommes les plus recherchés par Washington. M. Rotberg le décrit davantage comme un guerrier qu'un prêcheur religieux.

Mais Ej Hogendoorn, de l'International Crisis Group, croit que Boko Haram est encore motivé par une idéologie religieuse.

«Il s'agit d'un objectif à long terme, et maintenant qu'ils sont sous pression, ils ont évidemment toutes sortes de priorités. Mais dans tous leurs messages publics, l'idée d'un État islamique basé sur la charia demeure», a-t-il dit à La Presse.

Q: Dans quel état le groupe se trouve-t-il?



S'il faut en croire les attaques récentes, il est encore très puissant. Selon Amnistie internationale, Boko Haram a déjà fait plus de 1500 victimes cette année, contre 3600 entre 2010 et 2013.

L'armée nigériane, l'une des plus puissantes de la région, pourchasse pourtant les terroristes depuis plusieurs années. Robert Rotberg, du CIGI, s'explique mal pourquoi elle génère si peu de résultats.

«Est-ce que l'armée profite de la situation d'urgence parce qu'elle garde ses budgets élevés? Est-ce qu'elle tire profit des pillages perpétrés par Boko Haram via la corruption? Ce sont des questions auxquelles il va falloir répondre», dit le chercheur.

Ej Hogendoorn, de l'International Crisis Group, souligne que le nord du Nigeria est vaste, peu peuplé et difficile à contrôler. Il rappelle que même l'armée américaine n'a jamais pu éliminer les talibans de l'Afghanistan.

Q: Comment régler le problème?



C'est la question qui se pose de façon particulièrement aiguë au lendemain des attaques de la semaine dernière. Il y aura bientôt un an que le gouvernement du président Goodluck Jonathan a déclaré l'état d'urgence dans les régions du nord, mais la stratégie semble se buter à un constat d'échec.

Selon Robert Rotberg, de CIGI, l'armée du Nigeria devrait se résoudre à demander une aide logistique aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne. Des données satellites ou des communications interceptées, par exemple, pourraient lui faciliter la tâche.

Dans un rapport dévoilé ce mois-ci, l'International Group plaide quant à lui que l'élimination de Boko Haram sera impossible tant que la pauvreté, l'injustice et la corruption prévaudront au Nigeria.

INFOGRAPHIE LA PRESSE