Tous les éléments sont réunis pour un génocide en Centrafrique, a averti jeudi l'ONU, en appelant à une stabilisation politique à Bangui secouée par encore d'autres tueries, où le parlement élira lundi un nouveau président.

«Il y a tous les éléments que nous avons vus dans des endroits comme le Rwanda, la Bosnie, les éléments sont là pour un génocide. Cela ne fait pas de doute», a déclaré le chef des opérations humanitaires de l'ONU, John Ging, lors d'une conférence de presse à Genève après une mission en Centrafrique.

«Des atrocités sont commises de façon continue», a-t-il rappelé, soulignant que «les communautés ont peur. Les gens ont peur des autres communautés».

Au moins sept personnes ont été tuées dans la nuit au cours de plusieurs incidents violents dans un quartier nord de Bangui, selon des sources militaires et humanitaires.

Trois cadavres, dont un jeune d'environ 15 ans tué par balle, étaient entreposés à la mosquée du quartier Bégoua 3, à la sortie nord de Bangui, ont constaté des journalistes de l'AFP. La Croix-Rouge centrafricaine a également ramassé les cadavres de quatre hommes chrétiens, tués à l'arme blanche.

Des habitants du quartier ont accusé les militaires français de l'opération Sangaris d'avoir tiré sur les trois hommes lors d'une opération de fouille. L'armée française a confirmé un accrochage, mais démenti toute responsabilité pour les morts.

Dans la matinée, un nouveau convoi de civils musulmans, protégé par des soldats tchadiens, quittait la ville et ses violences.

«17 critères d'éligibilité»

«Ce n'est pas un conflit interreligieux pour l'instant, mais cela pourrait le devenir», a jugé M. Ging, constatant l'«effondrement» complet du pays.

Chargé d'arrêter l'implosion de la Centrafrique, le nouveau président de transition sera élu lundi par le parlement provisoire, a annoncé le Conseil national de transition (CNT, parlement provisoire).

Le CNT a retenu 17 critères d'éligibilité et fixé le dépôt des candidatures de vendredi 9 h (3 h à Montréal) à samedi 10 h (4 h à Montréal). Il validera ou rejettera lui-même les candidatures.

La liste interdit d'être candidat notamment aux chefs des partis politiques, aux militaires actifs, à tous ceux ayant exercé des responsabilités au sein des institutions de transition sous la présidence de Michel Djotodia et à tous ceux ayant été «membre d'une milice ou d'une rébellion armée durant les 20 dernières années».

Elle comporte aussi des clauses subjectives sujettes à polémique, comme «être crédible».

Pour les partenaires occidentaux et africains de Bangui, qui interviennent militairement dans le pays et financent un État quasiment failli, l'élu doit être «un président technique», selon un diplomate occidental.

M. Djotodia, porté au pouvoir en mars 2013 par une rébellion hétéroclite, la Séléka, a été contraint au départ vendredi par les dirigeants d'Afrique centrale - soutenus par la France - excédés par son incapacité à mettre fin aux tueries interreligieuses.

Population entassée dans des camps

Le feu couve toujours à Bangui quadrillée par les forces internationales, même si la capitale présente chaque jour un peu plus une apparence trompeuse de retour à une forme de normalité.

Les fonctionnaires, qui n'ont pas été payés depuis septembre, reprennent le chemin des administrations totalement à l'arrêt depuis début décembre. L'activité commerciale reprend elle aussi.

Mais les centaines de milliers de déplacés des violences ne rentrent pas chez eux. À Bangui, qui compte 800 000 habitants, la moitié de la population vit entassée dans des camps de fortune.

Le reste du pays est essentiellement livré à lui-même.

Sur les 4,6 millions de Centrafricains, environ un million ont été chassés de chez eux par les violences et la moitié de la population est directement touchée par la crise, selon des sources humanitaires.

Cette crise est sans précédent dans un pays à l'histoire particulièrement troublée depuis son indépendance de la France en 1960 et qui figure parmi les plus démunis du continent, malgré son potentiel agricole et minier.

Pour sécuriser la Centrafrique, l'Union africaine a appelé une nouvelle fois à renforcer la Misca (force africaine de maintien de la paix) pour atteindre 6000 soldats sur le terrain.

La Misca compte actuellement environ 4500 hommes, mais elle va recevoir ce jeudi le renfort d'un bataillon rwandais de 850 hommes. La France a envoyé depuis début décembre 1600 soldats.

Dans le cadre d'une future mission militaire européenne, l'Estonie s'est dite prête à envoyer 55 soldats.