Les islamistes somaliens shebab, qui ont revendiqué samedi l'attentat meurtrier contre un centre commercial à Nairobi, conservent une importante capacité de nuisance, en dépit de luttes internes sanglantes susceptibles de radicaliser encore le mouvement.

Depuis qu'ils ont été chassés de Mogadiscio en août 2011 par la Force de l'Union africaine (Amisom) épaulant les troupes gouvernementales somaliennes, ces islamistes liés à Al-Qaïda ont été contraints militairement d'abandonner la totalité de leurs bastions du centre et du sud de la Somalie.

Mais ils continuent de contrôler de vastes zones rurales.

Les shebab --«jeunes» en arabe-- sont issus d'une insurrection contre les troupes éthiopiennes qui avaient pénétré en Somalie en 2006 avec le soutien des États-Unis pour renverser l'Union des tribunaux islamiques contrôlant  alors Mogadiscio. Ils compteraient quelque 5000 hommes.

En avril et juin, ils ont mené deux spectaculaires opérations au coeur de la capitale (d'où ils avaient été chassés il y a deux ans), contre un tribunal puis contre le principal complexe de l'ONU.

Début septembre, les shebab ont tendu une embuscade au convoi du président somalien Hassan Cheikh Mohamoud -- qui en est sorti indemne. Quelques jours plus tard, ils ont revendiqué un double attentat qui a fait 18 morts à Mogadiscio.

«Les shebab restent la menace principale à la survie du nouveau gouvernement somalien», estime dans un rapport l'Institut pour les Études de sécurité (ISS), basé en Afrique du Sud. Selon l'ISS, leur objectif futur sera plutôt de «rendre le pays ingouvernable» et non plus de le diriger.

L'élection en septembre 2012 du président Hassan Cheikh Mohamoud, après une décennie de gouvernements transitoires sans pouvoir ou corrompus, avait suscité l'espoir de doter enfin la Somalie d'une réelle autorité centrale. Mais le gouvernement peine toujours à asseoir son autorité.

Même une violente purge menée par le chef suprême des Shebab, Ahmed Abdi Godane, contre une dizaine de commandants contestant son autorité n'a pas empêché la poursuite des actions du mouvement.

Les sanglants affrontements intra-shebab ont étalé au grand jour les fractures existant depuis longtemps au sein du mouvement, entre notamment les «nationalistes» somaliens et les tenants «du djihad mondial».

Ces affrontements illustrent  aussi la volonté de leur chef suprême d'écarter toute opposition à son autorité pour favoriser une ligne plus radicale, selon des analystes.

Fin juin, ses hommes ont tué deux chefs historiques des shebab: Ibrahim Haji Jama Mead, surnommé Al-Afghani («l'Afghan»), et Abdul Hamid Hashi Olhayi.

Dans cette purge, deux autres dirigeants emblématiques du mouvement ont échappé aux fidèles de Godane. Le premier, Moktar Robow, a trouvé refuge dans sa région du Sud-Bakool et semble pour l'heure hors-jeu. Quant à Hassan Dahir Aweys, figure historique des islamistes en Somalie, visé par des sanctions américaines et de l'ONU pour ses liens avec le terrorisme, il a été arrêté dans sa fuite par les autorités somaliennes.

Mais la «capture d'Aweys ne marque pas la fin des Shebab. Elle pourrait au contraire encourager «les tenants de la ligne dure à mener plus d'assauts meurtriers afin de contrer l'impression que les Shebab sont sur la défensive», prévenait alors un analyste.

Dernier épisode de ces dissensions internes: mi-septembre, les partisans radicaux de Godane ont été tué un célèbre jihadiste américain combattant depuis 2006 en Somalie, Omar Shafik Hammami, alias Abou Mansour al-Amriki («Mansour l'Américain»).

Sa tête était mise à prix cinq millions de dollars par Washington.