La Cour suprême du Kenya a confirmé samedi l'élection de Uhuru Kenyatta à la présidence du pays, rejetant le recours pour irrégularités de son rival Raila Odinga, qui a reconnu sa défaite au nom de l'unité du pays.

Des heurts entre jeunes et policiers ont aussitôt éclaté dans la région de Kisumu, bastion de M. Odinga dans l'ouest du pays, faisant au moins deux blessés par balle, a constaté un journaliste de l'AFP.

Un responsable de la police à Kisumu a de son côté fait état, sous le couvert de l'anonymat, de sept personnes blessées par des tirs de la police, mais aucune confirmation officielle de ce bilan n'a pu être obtenue.

Les manifestants un temps dispersés, se sont à nouveau rassemblés dans la soirée, lançant des pierres, notamment sur des voitures et des motos et faisant plusieurs blessés parmi leurs passagers. Selon le correspondant de l'AFP, des magasins ont aussi été pillés, des passants dévalisés et des tirs sporadiques étaient entendus en ville dans la soirée.

La police, qui avait prévenu qu'elle n'accepterait aucun débordement après la décision de la Cour, avait dispersé en fin d'après-midi à coups de gaz lacrymogènes environ 200 jeunes partisans de M. Odinga défilant dans le centre de Nairobi.

Des incidents et des tensions ont également été rapportés en début de soirée à Nairobi, dans des bidonvilles fiefs de M. Odinga. Le chef de la police de Nairobi a annoncé l'envoi de renforts dans ces quartiers, évoquant des «affrontements» sans plus de précision.

Les six juges de la plus haute juridiction du Kenya ont douché samedi les derniers espoirs de M. Odinga, en estimant à l'unanimité le scrutin «libre, équitable, transparent et crédible», selon le président de cette cour, Willy Mutunga.

La Cour suprême a estimé que M. Kenyatta et son colistier William Ruto «avaient été valablement élus» président et vice-président. Cette décision n'est susceptible d'aucun recours, rendant le résultat de la présidentielle définitif et ouvrant la voie à l'investiture de M. Kenyatta, prévue le 9 avril.

M. Odinga a immédiatement reconnu sa défaite, et «souhaité bonne chance au président élu Uhuru Kenyatta», 51 ans, fils du premier président du Kenya et l'un des hommes les plus riches d'Afrique.

Félicitations occidentales

«La Cour suprême a parlé», et «jeter le doute (sur cette décision) mènerait à l'instabilité politique et économique», a fait valoir M. Odinga. L'annonce de sa précédente défaite, alors face au président sortant Mwai Kibaki en décembre 2007, avait débouché sur les plus graves violences au Kenya depuis l'indépendance (plus de 1000 morts et 600 000 déplacés).

«Bien que nous puissions ne pas être d'accord avec la totalité (du jugement), notre foi dans le constitutionnalisme est (notre valeur) suprême», a poursuivi le premier ministre sortant.

M. Kenyatta a de son côté remercié son adversaire à qui il a tendu la main et assuré que son gouvernement «sera aussi ouvert que possible et reflètera le visage» du Kenya. Il a qualifié la décision de la Cour suprême de «victoire pour tous les Kényans» ayant voté le 4 mars.

La Maison-Blanche, le président français François Hollande, le premier ministre britannique David Cameron et la Commission européenne ont félicité samedi M. Kenyatta, ce qu'ils s'étaient abstenus de faire en attendant l'issue du recours en justice, contrairement à la Chine et à de nombreux pays africains.

MM. Kenyatta et Ruto sont poursuivis par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l'humanité, pour leur participation présumée aux violences postélectorales de fin 2007. Plusieurs ambassadeurs européens, dont le français et le britannique, avaient fait savoir avant le scrutin qu'ils limiteraient aux «contacts essentiels» leurs relations avec M. Kenyatta s'il était élu.

La Commission électorale kényane (IEBC) avait proclamé le 9 mars M. Kenyatta vainqueur avec 50,07% des suffrages au premier tour. Le camp Odinga et les associations requérantes arguaient d'irrégularités dans la liste électorale, lors du scrutin et de son dépouillement.

Les arguments de la Cour n'ont pas été dévoilés dans l'immédiat. «Le jugement détaillé contenant les raisons de la décision de la Cour sera publié dans les deux semaines», a expliqué son président.

Le scrutin et la proclamation des résultats de la présidentielle du 4 mars s'étaient déroulés sans incident notable, démentant les craintes d'une répétition des terribles violences sur lesquelles avaient débouché la précédente présidentielle.

La décision de la Cour, créée par la Constitution de 2010, était guettée avec énormément d'attention au Kenya et perçue comme un test pour cette institution à la réputation encore intacte dans le pays, selon les analystes.

«En ce moment historique, la Cour suprême a rempli son devoir constitutionnel. C'est désormais au peuple kényan, à ses dirigeants, à la société civile, au secteur privé et aux médias de remplir le leur, afin de garantir que l'unité, la paix, la souveraineté et la prospérité de cette nation soit préservées», a déclaré M. Mutunga après avoir lu l'arrêt de la Cour.