Un tribunal kényan a levé vendredi tout obstacle juridique à la candidature à la présidentielle du ticket formé par Uhuru Kenyatta et William Ruto, tous deux inculpés de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI).

Un tribunal de Nairobi s'est déclaré «incompétent» pour juger de la requête déposée par plusieurs ONG et particuliers qui contestaient l'éligibilité de ces deux poids lourds de la politique kényane.

«Il s'agit d'une question qui appartient au champ de compétence exclusive de la Cour suprême (...) Le tribunal est incompétent pour statuer sur une question relative à l'élection du président» de la République, ont expliqué les cinq juges du tribunal dans leur décision, lue lors d'une audience publique retransmise à la télévision.

Rassemblés devant le tribunal, une centaine de partisans de la coalition Jubilee de MM. Kenyatta et Ruto ont accueilli la nouvelle en scandant les noms de leurs champions - absents -, aux cris de «Élections maintenant!» et en dansant.

«Je salue le jugement du tribunal, il confirme ce que nous avons toujours soutenu : le peuple kényan, et lui seul, a le pouvoir et le mandat de choisir la direction de ce grand pays. Le Kenya est désormais majeur et son peuple ne peut jamais se tromper», a déclaré Uhuru Kenyatta dans un communiqué.

«La Cour (...) a dit clairement qu'ils (Kenyatta et Ruto) ne pouvaient être empêchés d'être candidats», s'est réjoui devant les journalistes rassemblées au tribunal Onyango Oloo, secrétaire général du Parti de l'Alliance nationale (TNA), la formation de M. Kenyatta.

Leempaa Suiyanka, un des porte-parole de la coalition informelle d'ONG ayant porté ce cas en justice, a indiqué à l'AFP qu'il n'était «pas encore décidé» si celles-ci allaient ou non poursuivre leur procédure devant la Cour suprême.

«Nous n'avons que deux semaines pour analyser le jugement et décider si nous portons l'affaire devant la Cour suprême. Nous sommes soumis à des contraintes de temps et d'argent», a-t-il commenté, alors que le premier tour du scrutin est prévu le 4 mars.

«C'est la mort officielle de la Constitution», a-t-il estimé à propos de la décision rendue vendredi. Un chapitre de la Constitution kényane adoptée en 2010 est consacré à «l'intégrité» des titulaires de responsabilités publiques.

Plusieurs associations de la société civile et des particuliers kényans avaient saisi la justice, estimant les candidatures de MM. Kenyatta et Ruto incompatibles avec ces dispositions de la Constitution sur l'intégrité, en raison de leur inculpation par la CPI.

Uhuru Kenyatta, actuel vice-premier ministre âgé de 51 ans, et l'ex-ministre William Ruto, 46 ans, sont inculpés par la CPI pour leur implication présumée dans les violences sur lesquelles avait débouché l'annonce des résultats de la précédente présidentielle de décembre 2007.

La contestation de la réélection annoncée du président Mwai Kibaki face à Raila Odinga, actuel premier ministre, avait dégénéré en massacres interethniques, faisant plus d'un millier de morts et plus de 600 000 déplacés.

M. Kenyatta soutenait à l'époque M. Kibaki - qui ne se représente pas - tandis que M. Ruto soutenait M. Odinga. Les deux hommes se sont alliés pour la présidentielle du 4 mars face à M. Odinga, qui figure comme eux parmi les favoris.

Raila Odinga a «salué» la décision du tribunal dans un communiqué : «j'ai toujours dit que mon adversaire devrait avoir l'occasion de m'affronter dans une élection libre et juste dont le résultat sera déterminé par le peuple du Kenya».

Dans leur décision, les magistrats ont également estimé que «tout citoyen a le droit de briguer un poste» et qu'un «accusé est présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit déclaré coupable. Bien que les deux (défendeurs) soient inculpés, ils n'ont pas perdu leurs droits fondamentaux».

Le tribunal a également jugé que les demandeurs auraient dû contester les candidatures de MM. Kenyatta et Ruto devant la Commission électorale indépendante (IEBC), s'ils estimaient qu'ils ne remplissaient pas les conditions pour se présenter.